Dircoms & Communication digitale : Officiellement, tout va bien. Dans les faits, ça reste encore à démontrer !

Deux récentes études se sont penchées sur la maturité de la communication digitale des grandes entreprises ainsi que le degré d’appréhension de cette problématique par celles et ceux à qui incombent la conduite de cette mutation : les dircoms. La lecture des résultats montre des progrès encourageants. Pour autant, il serait bien naïf de croire la technicité des outils numériques a permis dans la foulée de faire évoluer les postures communicantes. Même chez les dircoms (du moins certains et pas des moindres), la conversation numérique demeure une « terra incognita » ou un truc éloigné de leur horizon.

Médias sociaux, e-réputation, communication digitale, influence en ligne, etc sont autant de terminologies qui constituent désormais le quotidien de tout directeur/directrice de la communication depuis que les réseaux numériques n’en finissent plus de ringardiser la bonne vieille boîte à outils où il suffisait d’emballer joliment et asséner fortement pour espérer convaincre et inciter les publics cibles. Deux études ont récemment dévoilé les résultats de leurs observations sur la façon dont les dircoms se dépêtrent de cette tectonique communicante numérique qui est très loin d’être finie. Globalement, les choses évoluent mais encore à pas comptés et de façon relativement hétérogène. Les réflexes séculaires de la com’ « ceinture et bretelles » ou « boîte à outils magique » continuent d’inhiber la nécessaire transformation de fond de la communication des entreprises et des marques.

L’outil digital ne créé pas l’esprit

Etude Angie - Logos communicationRéalisée par Angie +1, agence conseil en stratégie digitale et Occurrence, cabinet d’études et de conseil en communication, la première étude s’est attaché à établir un état des lieux exhaustif des différentes transformations engendrées par l’irruption du Web social dans les stratégies et les dispositifs de communication des entreprises. Les résultats et les chiffres émanent des entretiens menés auprès de 140 décideurs de la communication représentant au total 133 organisations et conduisant tous actuellement des actions de communication sur les médias sociaux.

Sur la question de l’importance des réseaux sociaux dans une stratégie de communication, la prise de conscience semble être dans l’ensemble acquise. 45% du panel interrogé estiment le sujet comme pleinement intégré et 34% jugent le sujet traité à un juste niveau d’importance. Cette notion d’importance n’est toutefois pas automatique corrélée à celle de la maturité, autrement la capacité à adapter sa communication à l’aune des enjeux et des attentes que les médias sociaux génèrent. Sur ce point, la perception des dircoms est plus tempérée. 40% pensent que les organisations demeurent au final pubères et pas forcément totalement engagées comme elles le devraient.

C’est surtout du côté outils que les entreprises ont le plus avancé concrètement. 89% disposent d’une page Facebook et 85% d’un fil Twitter. 58% s’appuient par ailleurs sur YouTube ou d’autres plateformes vidéo similaires (DailyMotion, Vimeo, etc) et 47% ont investi des médias sociaux visuels (Instagram, Pinterest, Vine, etc). En revanche, cela se complique nettement plus en termes de posture communicante adoptée sur ces mêmes espaces digitaux. 37% des organisations demeurent toujours rivées sur une approche verticale soulignant ainsi que l’obsession pathologique du contrôle du message perdure en dépit du bon sens. D’autres ont choisi (à 22%) d’entrouvrir la porte avec une communication qui concilie le « top-down » avec une attitude plus conversationnelle. Enfin, 39% se déclarent totalement conversationnelles. Un pourcentage sans doute un brin auto-surévalué par les dircoms interrogés tant les cas d’étude de stratégies de communication réellement ouvertes et collaboratives ne pullulent pas tant que cela en France.

Des freins multiples

Etude Angie - dirigeantsCe sentiment diffus d’une certaine indulgence des appréciations issues du panel interviewé, se confirme à la lecture de certains points clés de l’étude Angie +1/Occurrence. Sur la veille des réseaux sociaux, on note par exemple que 25% des entreprises omettent totalement cet aspect. Quant aux autres qui ont au moins mis en œuvre une veille digitale, rien n’indique que cela ne se borne pas à nourrir uniquement des tableaux de bord statistiques pour se rassurer (c’est souvent la réalité actuelle) plutôt qu’à en extraire des enseignements pour adapter en permanence leur approche communicante et mieux écouter et satisfaire leurs publics en conséquence.

Autre indice qui laisse supposer que la transformation digitale est encore loin d’avoir produit ses effets dans la communication des entreprises : l’implication des salariés. Autant ceux-ci ont à disposition quantité de réseaux sociaux d’entreprise et d’intranets, autant ils sont nettement moins associés à l’animation de la communication de leur société sur les réseaux sociaux. Une entreprise sur 3 seulement a choisi d’en faire des ambassadeurs. Cette attitude frileuse serait-elle la conséquence d’un relatif éloignement des dirigeants sur la question de la communication digitale ? Possible. Au-delà des irréductibles patrons réfractaires qui sont 9%, 66% disent certes s’intéresser au digital … mais sans directement s’y investir.

Et c’est très sûrement là que réside le nœud du problème actuel. Ne pas faire l’expérience a minima de l’écosystème digital de son entreprise, obère et empêche souvent de prendre la pleine mesure des enjeux réputationnels et conversationnels. Résultat : la stratégie de communication se borne souvent à la mise en place d’outils Web qui rassurent certes et entretiennent l’illusion d’agir et d’évoluer mais qui ne suffisent nullement à modifier les mentalités pourtant cruciales pour déployer une stratégie efficace.

Les dircoms, pas toujours bons élèves

Etude Angie - bonnet aneCet éloignement des décideurs et de leur environnement numérique trouve d’ailleurs un écho concret dans la seconde étude publiée par Wiztopic, une start-up française qui édite des logiciels pour les professionnels de la communication digitale. Du 26 février au 7 mars 2015 sous la houlette de François Bourboulon, consultant en stratégie éditoriale et ancien rédacteur en chef de plusieurs médias reconnus, une équipe d’experts du journalisme, des relations publics et du Web a passé au crible les newsrooms disponibles sur les sites corporate des entreprises figurant dans le CAC 40. De ce travail d’analyse fine, a été bâti un top 20 rassemblant les meilleures pratiques du moment en termes d’accessibilité de la newsroom, de richesse des contenus proposés et des fonctionnalités de partage sur les réseaux sociaux.

Haut la main, Airbus, Safran et Orange s’arrogent respectivement les trois marches du podium des entreprises du CAC40 ayant les newsrooms les plus performantes. L’étude Wiztopic s’est également attachée à observer l’accessibilité des dircoms qui impulsent la stratégie de communication de ces prestigieuses entreprises. A nouveau, on retrouve en tête Airbus avec son directeur de la communication, Rainer Ohler. Arrivent ensuite, Séverine Lèbre-Badré d’Alcatel-Lucent, Pascale Dubois de Safran, Bertrand Cizeau de BNP Paribas et Stéphanie Rismont de Danone. Tous sont salués par l’étude Wiztopic pour leur accessibilité et la facilité à les contacter au sein de la newsroom. Un bon point effectivement tant certains dircoms continuent à jouer les courants d’air dès lors qu’il s’agit d’interagir avec les publics externes, surtout lorsque le sujet est sensible ou complexe !

Ce top 5 loué par l’étude Wiztopic est pourtant surprenamment bien peu investi sur les réseaux sociaux. Un rapide survol de Twitter révèle par exemple que deux dircoms (Safran et Danone) sont totalement absents du site de microblogging pourtant réputé comme lieu digital par excellence pour prendre la température et interagir avec des influenceurs. Les trois autres récipiendaires de l’étude Wiztopic ne sont quant à eux guère engagés sur Twitter. Rainer Ohler d’Airbus a émis 39 tweets depuis avril 2011 et fédère 142 abonnés. Bertrand Cizeau de BNP Paribas n’est guère plus prolixe auprès de ses 266 abonnés avec 24 tweets depuis mars 2013. Enfin, Séverine Lèbre-Badré a partagé 1 tweet depuis mars 2014.

Etre « connecteur en chef »

Etude Angie - Connecteur en chefMême si un dircom n’a certes pas systématiquement vocation à devenir un accro compulsif aux réseaux sociaux, il n’en demeure pas moins que ce déficit d’investissement n’aide pas forcément à mieux s’imprégner de la culture et des codes digitaux que les médias sociaux ont imposés. Or ceux-ci dictent désormais un tempo et des modes qui peuvent largement impacter la réputation d’une grande enseigne. Ne pas en prendre pleinement la mesure en se tenant à l’écart et/ou se contenter de déployer des espaces digitaux pour son entreprise limite de fait la capacité d’un dircom à impulser l’absolument nécessaire transformation digitale des stratégies de communication des entreprises.

Aujourd’hui, le raisonnement « boîte à outils » ne suffit plus à piloter efficacement une stratégie de communication. Le dircom se doit aujourd’hui d’être un « connecteur en chef » pour reprendre l’excellente définition donnée par Marie-Christine Lanne , directrice de la communication de Generali France lors de la conférence Labcom du 25 mars dernier à Paris sur les tendances de la communication. Ces deux études indiquent par conséquent qu’il y a encore du travail à accomplir pour que les dircoms soient précisément les fers de lance de cette transformation digitale de la communication !

Pour aller plus loin

– Etude d’Angie +1 et Occurrence – « Médias sociaux et directions de la communication : où en est-on en 2015 ? » – 31 mars 2015
– Etude de Wiztopic – « La communication digitale des entreprises du CAC40 » – 8 avril 2015



2 commentaires sur “Dircoms & Communication digitale : Officiellement, tout va bien. Dans les faits, ça reste encore à démontrer !

  1. Wiztopic  - 

    Bonjour,
    Merci pour votre analyse et intérêt pour l’étude.

    Cette analyse sur la présence des équipes de communication des entreprises sur les réseaux sociaux est tout à fait pertinente. C’est particulièrement intéressant concernant la visibilité des dircoms de notre top 5. Concernant notre étude, elle met en avant la présence des dircoms et des réseaux sociaux sur les espaces presse des entreprises du CAC 40. Le critère d’utilisation de ceux-ci n’a pas été pris en compte. Nous allons tenir compte de ce paramètre pour nos prochains travaux.
    Nous vous partageons un lien vers l’étude complète et la méthodologie : https://fr.wiztopic.com/commerce-fr/logiciel/wiztopic-devoile-les-resultats-de-son-etude-sur-la-transformation-digitale-des-directions-de-la-communication-895c-54a27.html
    Ainsi que notre infographie : https://fr.wiztopic.com/commerce-fr/logiciel/infographie-etude-de-la-communication-digitale-des-societes-du-cac-mutants-ou-transformers-1.html

    Bien à vous,

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