Faire d’une émoticône un outil de communication ? Tout sur la saga #EmojiBZH

Et si la valorisation d’un territoire et de ses acteurs passait par la mise à disposition officielle d’une émoticône aux couleurs de la Bretagne ? Derrière ce qui pourrait s’apparenter à un gadget de com’ pour faire le buzz, réside en fait la farouche volonté de l’association www.bzh de promouvoir et faire rayonner l’identité bretonne dans les écosystèmes numériques. Jusqu’au 9 février 2020, une nouvelle opération de communication sur les réseaux sociaux invite les internautes à signer une pétition afin que l’émoji du drapeau breton, le Gwenn ha Du, devienne une émoticône validée par le consortium Unicode. Une bonne idée ?

L’oriflamme breton est apparue en 1925 à l’initiative d’un architecte, Morvan Marchal, alors très impliqué dans les mouvements régionalistes et identitaires de l’époque. Pendant plusieurs décennies, l’emblème sera vivement controversé en Bretagne même, certains y voyant des résurgences fachistes, autonomistes ou ultra-nationalistes. Ce n’est que dans les années 80 que le Gwenn ha Du s’est en fin de compte imposé comme le symbole officiel de la Bretagne et de toutes ses composantes territoriales. Avec l’explosion de la communication digitale, le drapeau aux neuf bandes horizontales noires et blanches a même connu un regain d’intérêt enthousiaste qui conduit aujourd’hui l’association www.bzh à vouloir obtenir une reconnaissance officielle de celui-ci sous forme d’émoticône. Avec à la clé, des enjeux non négligeables.

La Bretagne en conquête numérique

Selon le décompte précis de Visibrain, un outil de veille sur les médias sociaux pour les professionnels de la communication, 68 237 tweets ont été publiés en l’espace de seulement 24 heures depuis le lancement de la campagne #EmojiBZH, le 13 janvier 2020. Objectif : décrocher l’imprimatur du Consortium Unicode pour que le drapeau breton soit intronisé parmi les émojis disponibles sur les réseaux sociaux et les applications des téléphones mobiles. L’écho est en tout cas au rendez-vous puisque le jour même de l’opération qui se termine le 9 février prochain, les deux hashtags dédiés (#EmojiBZH et #Gwennhadu) figurent aux première et troisième places des tendances Twitter en France et à la 6e place au niveau mondial (1). Cette action remarquée n’est en fait qu’une étape supplémentaire de l’enjeu que relève inlassablement l’association www.bzh depuis 2004.

Celle-ci s’est en effet constitué autour d’un chantier crucial pour la région Bretagne : assurer la promotion de la présence numérique de la Bretagne, sa culture, ses langues et ses différents acteurs qui la composent. A cet égard, le premier combat fut celui de l’extension Internet bretonne « .bzh ». Au bout de 10 ans pour monter le dossier de candidature auprès de l’ICANN (organisme mondial régulateur d’Internet), rassembler des fonds et satisfaire à tous les critères techniques et juridiques, l’extension bretonne obtient son inscription effective dans la racine internet mondiale. Les premiers sites créés en .bzh ont été symboliquement ceux de l’association et de la région Bretagne le 26 juin 2014. Depuis, il existe plus de 8 000 titulaires (2) d’une extension .bzh qui s’en servent pour souligne leur ancrage régional comme par exemple le club de football professionnel de Ligue 1, le Stade Brestois (www.sb29.bzh ) ou encore des producteurs locaux qui veulent valoriser la proximité et les circuits courts.

Et maintenant, l’émoticône

Si les témoignages des convertis à l’usage de l’extension .bzh, s’accordent tous à souligner l’authenticité et l’empathie qu’elle apporte auprès de leurs communautés respectives, l’association elle, n’a pas lésiné en chemin. Maintenant que l’extension a rencontré le succès, www.bzh a embrassé un autre défi : faire entrer le Gwen ha Du dans le répertoire officiel du Consortium Unicode, un organisme qui normalise et standardise les émoticônes qui seront ensuite accessibles sur les grandes plateformes Web et mobile du monde entier. Là aussi, l’enjeu est loin d’être neutre. Outre le fait que les cousins des Bretons, à savoir les Gallois et les Ecossais, disposent déjà depuis 2017 de leur drapeau validé, pouvoir glisser la version bretonne est précieux en termes de communication. Les statistiques sur les usages des internautes parlent d’elles-mêmes. En 2016 par exemple, selon un rapport de la société Emoji Technologies, 2,3 milliards de messages contenant au moins un émoji ont été envoyés dans le monde (3). Dans le même ordre d’idée, le recours aux émoticônes dans les campagnes publicitaires a fait un bond de 777% depuis 2015. Et le phénomène ne faiblit pas. Le portail de statistiques Statista a établi qu’en 2019, plus de 3000 émojis ont vu le jour (4). Sans compter que la quasi majorité des internautes et mobinautes les utilisent à cadence régulière.

Les Bretons ont par conséquent aussitôt relancé la machine. En 2017, le drapeau breton monte sur la deuxième place du podium lors du concours des World Emoji Awards. Une belle performance qui ne suffit toutefois pas à accepter la candidature de celui-ci auprès du Consortium Unicode. Qu’à cela ne tienne, l’association dépose à nouveau sa candidature l’année suivante en y adjoignant cette fois une pétition en ligne qui a enregistré l’appui de 25 000 signataires à date du 23 septembre 2019 (5). Une réponse du consortium est attendue en principe pour septembre 2020. Mais dans l’intervalle, l’émoji cherche également à convaincre une plateforme de l’implémenter pour prouver de visu que le drapeau breton mérite amplement sa place mais aussi parce que ce sont ces entreprises qui votent la pertinence ou non d’un émoji au sein de Consortium Unicode !

Un formidable levier de communication

La Bretagne n’a pas l’intention de lâcher l’affaire. Sur son blog EmojiBZH, elle communique fréquemment sur l’avancée du dossier, le recrutement de nouveaux soutiens parmi des entreprises mais aussi des villes françaises ou des faits significatifs comme cette 1ère place remportée en 2018 dans un palmarès effectué par Instagram sur les régions françaises les plus citées dans les hashtags. La Bretagne s’impose avec plus de 3,1 millions d’occurrences, très loin devant sa dauphine, la Normandie qui en recueille 1,6 million (6). Toujours pas assez pour emporter l’adhésion du Consortium Unicode qui rejette encore une fois en 2019, le dossier breton. Pas de quoi décourager les adeptes du Gwenn ha Du qui mettront aussitôt en place une campagne de crowdfunding en septembre 2019 pour financer l’actuelle opération de communication sur les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, LinkedIn et Instagram). 22 650 € seront récoltés soit 12% au-dessus de l’objectif fixé !

Pour la Bretagne, l’émoji est un indéniable levier de communication qui permet de rester à l’esprit des publics amateurs de cette région. Dans un autre registre, des marques comme Ikea ou Monoprix se sont d’ailleurs dotées de leurs propres émoticônes pour illustrer leurs produits. Même si ces visuels ne sont pas estampillés par le Consortium Unicode, ceux-ci sont une opportunité d’immerger les internautes dans l’univers iconique de la marque et d’être ainsi plus présents dans les conversations. Dès lors, on comprend pleinement l’énergie déployée par la Bretagne pour parvenir à labelliser son émoticône du Gwenn ha Du. Avec la reconnaissance du Consortium Unicode, c’est alors l’assurance d’avoir son émoji dans les palettes officielles sur les messageries mobiles, sur les réseaux sociaux et de disposer au final d’une visibilité hors pair qui profiterait autant à l’industrie du tourisme breton qu’à ses acteurs industriels, ses agriculteurs, son patrimoine culturel et sportif. Alors, même si vous n’êtes pas Breton, cliquez et partagez à votre tour. Une si superbe et accueillante région mérite bien qu’on la viralise !

En complément

– Générer un tweet de soutien
– Signer la pétition en ligne
– Suivre l’actualité sur le blog et sur Facebook

Sources

– (1) – Ronan Tésorière – « Pourquoi l’émoji drapeau breton squatte vos réseaux sociaux ce lundi » – Le Parisien – 13 janvier 2020
– (2) – Site Internet de l’association BZH
– (3) – « En 2016, 2,3 milliards de messages ont été envoyés avec un emoji » – Le Journal du Dimanche – 12 mars 2017
– (4) – « Plus de 3000 émojis lancés en 2019 » – CNews – 18 juillet 2019
– (5) – « Soutenez l’emoji drapeau breton ! » – Blog BZH – 23 septembre 2019
– (6) – « La Bretagne, première région française sur Instagram, a besoin de son emoji » – Blog BZH – 17 juin 2018