Vélos en libre-service à Paris : ce que la communication de Lime se garde bien de dire aux clients

Arrivé à Paris en 2019, l’opérateur américain de mobilité partagée Lime s’est d’abord fait connaître des usagers par ses trottinettes électriques désormais bannies des rues parisiennes depuis fin août 2023 à la suite d’un référendum citoyen qui n’avait guère mobilisé les foules. Qu’à cela ne tienne, Lime s’est replié sur son parc de vélos électriques dont la demande a fortement augmenté depuis. Seulement dans le petit monde enchanté et enchanteur de Lime, il y a des détails qu’il convient assurément de connaître pour éviter certaines déconvenues et des prélèvements monétaires abusifs. Ne comptez pas sur la communication de Lime pour le savoir !

Aux côtés des Vélib subventionnés par la mairie de Paris et des opérateurs concurrents Dott et Tier, Lime revendique aujourd’hui une flotte de 10 000 biclous électriques répartis en divers points de la capitale. Du fait de ce plus grand nombre et de formules forfaitaires plutôt intéressantes et adaptées à divers usages, Lime constitue la meilleure alternative aux Vélib qui sont de surcroît régulièrement dans un état de déliquescence avancée. Mais attention ! Il est tout de même fortement conseillé d’effectuer une vérification attentive du vélo Lime convoité avant de déclencher le chronomètre de la location. D’expérience, un Lime peut avoir une pédale en moins, une chaîne déraillée, un pneu crevé, une selle impossible à régler, des freins déficients, une sonnette cassée, une roue voilée et j’en passe et des meilleures.

C’est parti, mon kiki !

Après avoir victorieusement installé l’application Lime et lui avoir confié une carte bancaire pour les débits liés aux prochaines locations, vous voilà alors fin prêt pour chevaucher votre destrier à deux-roues. Après avoir fait les contrôles préalables, on vous le redit une deuxième fois. Deux précautions valent mieux qu’une ! Je ne compte plus en effet les occasions où par empressement ou étourdissement, je me retrouve avec un vélo qui roule sur sa jante, qui n’accélère pas ou qui fait un boucan innommable et qui me contraint illico à devoir m’en séparer (à condition que l’appli le veuille bien, nous y reviendrons plus loin !).

Cette étape de l’inspection du vélo n’est absolument pas superfétatoire, loin s’en faut ! A peine démarré, si jamais votre monture Lime s’avère inconduisible, il faut sur le champ la remettre dans le point de stationnement désigné. Sinon, le chronomètre va avoir tôt fait de vous facturer quelques centimes au passage. Tant pis pour vous ! En effet, si vous n’avez pas souscrit de forfait, votre carte bancaire sera sympathiquement délestée de 1€ de frais de déverrouillage et 0,25 € par minute. Chez Lime, il n’y a pas de petit profit. Comme chez l’avocat, le compteur tourne à peine avez-vous ouvert la bouche !

Et si jamais vous vous plaignez au service clientèle (après avoir vaincu l’ergonomie nébuleuse de l’appli pas vraiment encline à vous aider à trouver le bon contact), vous recevrez ce charmant message : « Merci d’avoir porté ce problème à notre attention Olivier. Nous sommes désolés de l’apprendre. Veuillez contacter notre équipe de support à l’adresse help.li.me/hc/requests/new et nous nous ferons un plaisir de vous aider. Lime 🛴 🌎 🚲 💚 ». Parfois, la maison est généreuse et consent une ristourne. Parfois, elle vous envoie paître gentiment en vous expliquant que vous avez malgré tout utilisé le vélo ou mieux que vous l’avez mal garé !

Cet enfer du parking vélo selon Lime

Le parking ! Ca, c’est le double effet kiss-cool de Lime qui a tout pouvoir pour vous flanquer une amende si jamais vous abandonnez la monture dans une zone non répertoriée. Et vlan, 25 € dans la pôpoche de Lime. Mais, il y a encore plus rageant : prendre un vélo sur une zone autorisée, s’apercevoir qu’il est endommagé et vouloir le remettre à l’endroit où vous venez de le prendre. Là, il n’est pas rare que l’appli vous jette à la figure un warning rouge : « Il y a trop de vélos que sur ce point de parcage. Veuillez stationner ailleurs ». On a envie de crier au génie. Non seulement, le vélo est « out » mais en plus, il faudrait se coltiner la logistique et la gestion des points de stationnement de la flotte Lime à la place de Lime. Ben voyons !

Ce problème de gestion des emplacements où sont disposés les vélos Lime est d’ailleurs récurrent en diverses circonstances. Particulièrement lorsque vous arrivez à votre destination, que vous garez le vélo dans l’endroit autorisé et que l’appli vous fasse à nouveau les gros yeux rouges : « Trop de vélos, allez ailleurs ». Et le petit jeu de continuer parfois plus de 10 à 15 minutes pour enfin trouver une zone où il n’y a pas embouteillage de vélos Lime. Entretemps, le minuteur continue sagement à égrener les secondes, les minutes et bing, de vous facturer quelques euros supplémentaires. Auxquels vous pourrez additionner des minutes de marche à pied en plus pour rejoindre cette satanée destination dont Lime vous a éloigné. Question gain de temps et ponctualité aux rendez-vous, on repassera. Mais ça, Lime s’en fiche comme de sa première chaîne de vélo !

Il n’y a pas de petits profits pour Lime

Vu que le timer de Lime est d’une redoutable précision d’horlogerie suisse, il vaut effectivement mieux souscrire à un forfait plutôt que payer le tarif de base. Il n’en demeure pas moins que le forfait ne préserve pas non plus des avatars décrits (et vécus) ci-dessus ! Un vélo mal garé ou mal verrouillé et vous pouvez être sûr que votre forfait va fondre aussi vite qu’un glaçon sous le soleil du Sahara. Même si on peut faire ensuite une réclamation, il n’est pas acquis que vous ayez gain de cause. Surtout avec les phrases préfabriquées du service clientèle où l’on se demande s’il y a vraiment un opérateur humain derrière pour tenter de comprendre le contexte précis au lieu de nous stigmatiser. Je ne compte personnellement plus les forfaits épuisés plus vite que prévus.

Dans le monde merveilleux de Lime, jamais nous ne trouverez trace d’une grille tarifaire sur le site et l’application. Le prix s’affiche uniquement au dernier moment lorsque vous allez déclencher l’appli pour utiliser un vélo. Parfois, Lime est même très taquin. Histoire de dire qu’il ne nous prend pas pour un c.., il nous propose même de nous substituer à ses équipes logistiques. Nous serons ainsi gratifiés de 5€ si nous déposons le vélo dans un endroit où l’on recharge les batteries Lime. Après tout, c’est vrai. On prend surtout un vélo à Paris pour se balader en dilettante et faire accessoirement du dépannage. Il ne vient visiblement pas à l’idée de Lime qu’enfourcher un vélo électrique vise d’abord à gagner du temps, éviter les bouchons routiers ou les sempiternels « accident voyageur » ou « colis suspect » de la RATP (quand elle n’est pas en grève) qui bloquent les rames de métro sans crier gare.

La cartographie selon Lime

Allez ! Un dernier petit bonus pour la route. Il faut savoir également que Lime ne reconnaît pas toujours les zones de parcage désigné pour les vélos. Si, si ! C’est possible. Expérience faite encore aujourd’hui, rue de Milan qui compte pourtant 4 zones de ce type. Figurez-vous que Lime n’en reconnaît qu’une sur les 4 pourtant existantes et signalées comme telles au sol. Si jamais, vous avez le malheur d’en choisir une autre (simplement parce qu’elle est plus proche de votre adresse de destination), l’appli vous répond « que nenni ! ». Serviable, elle vous propose malgré tout d’identifier le point bizarre que vous avez élu. Il faut alors photographier le lieu pour confirmer qu’il s’agit bien d’un parking vélo. Et là, miracle ! L’appli ignore ce que vous lui indiquez et vous oblige quand même à vous déplacer. Et hop, encore un peu de monnaie sonnante et trébuchante dans la pôpoche de Lime. Les efforts de mise à jour de la cartographie, on y pensera quand on aura le temps.

Parfois, il arrive (heureusement) que tout se déroule sans encombre. Avec joie et allégresse, vous vous apprêtez à clore votre course et verrouiller le vélo au lieu désigné. Halte là, cycliste temporaire et vache à lait  ! Il faut d’abord se justifier du bon endroit de stationnement avec une photo de celui-ci. Et hop, 5 à 10 secondes supplémentaires. Puis, il faut à nouveau confirmer qu’on est toujours au bon endroit et qu’on est sûr (sinon 25 € dans ta face !). Et hop, 5 à 10 secondes supplémentaires. Enfin fini ? Mais pas si vite ! Il faut attribuer 1 à 5 étoiles à son parcours (et éventuellement préciser le motif) pour enfin mettre un terme. Et hop, 5 à 10 secondes supplémentaires.

Lime vous presse le citron ! 

A l’unité ou au forfait, c’est pour Lime toujours un peu de temps gratté sur le dos du bon vieux client corvéable à souhait. Il y a une douzaine de jours, le community manager de Lime en France s’esbaudissait sur le nombre de trajets que la communauté des riders Lime avait parcourus depuis 2019, soit 500 millions de trajets. Pour Paris, en fouillant un peu dans les articles de presse, il est question de 400 000 trajets Lime par mois. Retenez bien ce chiffre et multipliez-le avec tous ces petits centimes d’euros facturés en plus grâce aux différents avatars qu’on vient de vous décrire. Pas mal non ?

Finalement, pourrir la vie de l’utilisateur Lime est super rentable. Pas vraiment besoin d’avoir une logistique efficace et pointue sur le nombre de vélos par zone de parcage. Le rider fera bien l’affaire et sera assez gentil pour tourner dans le quartier et se démerder. Et puis si tout s’est bien passé, un petit pourboire en multipliant les écrans de validation pour verrouiller, est toujours le bienvenu pour la cagnotte Lime ! En fin de compte, c’est simple la communication : raconter un monde parfait à bas carbone et ne surtout pas se soucier des dysfonctionnements. Je n’ose imaginer ce que cela va donner lors des Jeux Olympiques de Paris 2024. Enfin, j’aurai au moins contribué à réduire l’empreinte carbone de 37% (chiffre Lime) ! On se console comme on peut.

 

 

 



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