Will McInnes (Brandwatch) : « La veille digitale, c’est bien plus que des applications et des sites web»

Directeur Marketing Monde de Brandwatch, une puissante solution de veille et d’analyse des médias sociaux (désormais active en France depuis octobre 2016), Will McInnes est un vétéran d’un domaine où beaucoup d’acteurs parlent, promettent des fonctionnalités infaillibles pour mieux tirer parti des conversations digitales sans toujours maîtriser les enjeux du Social Monitoring. Sur ce marché de la veille en ligne où le marketing bat parfois un peu trop son plein, Will McInnes tranche par sa vision pointue des enjeux mais aussi par sa franchise à reconnaitre qu’on ne peut pas encore tout faire, ni analyser. Le Blog du Communicant a voulu en savoir plus.

Avant de rejoindre Brandwatch, Will McInnes a opéré comme consultant en nouvelles technologies et veille digitale auprès de très grandes marques comme BBC, Cisco, Barclays et le célèbre World of Wildlife Fund. Ces expériences l’ont également amené à publier un livre manifeste sur le sujet intitulé « Culture Shock – a handbook for 21st century business ». De ce parcours solide, il en retire une vision charpentée, forte de convictions où notamment la mesure de l’impact des médias sociaux ne doit pas forcément (et surtout systématiquement) être au cœur des stratégies avec les communautés en ligne. Il faut être plus pragmatique.

Depuis le tout début de votre carrière, vous êtes impliqués dans le secteur des nouvelles technologies de l’information et des réseaux numériques. Ce qui fait de vous un témoin privilégié de la façon dont les médias sociaux changent et façonnent la société tout en engendrant de nouveaux paradigmes de communication. Fort de votre expérience depuis plus de 10 ans, quels sont à vos yeux les 3 enjeux clés que tout communicant ou marketeur devrait conserver à l’esprit s’ils veulent espérer réussir auprès de leurs communautés au lieu d’adopter encore de vieilles approches digitales ? Ceci quel que soit son secteur d’activité ou même la taille de son entreprise

Brandwatch - Will headshotWill Mc Innes : Les consommateurs peuvent désormais s’exprimer. C’est simple pourtant mais nous ne l’avons toujours pas vraiment compris ! Les consommateurs parlent à d’autres consommateurs. Les avis sont rois. Peu importe que vous soyez leader sur votre marché ou que vos campagnes soient élaborées; si vos consommateurs n’aiment pas ce qu’ils voient, ils le diront. Et leur voix, en tant que groupe, est extrêmement puissante.

Ensuite, l’attribution est impossible. Vous ne prouverez pas le ROI de vos activités social media. Vous ne comprendrez pas la dynamique entre vos points de contact social media et vos emails, paid medias, magasins, campagnes publicitaires télévisées ou vos courriers. En tout cas pas vraiment. Vous ne comprendrez pas comment le public perçoit votre marque « en vrai ». Ce qui les fait prendre une décision envers votre marque. Or, on peut (et doit) en apprendre assez pour optimiser notre travail, mais la pure course au ROI parfait est une perte de temps. Il est beaucoup plus utile d’écouter les consommateurs pour satisfaire leurs besoins, c’est beaucoup plus intelligent.

La transformation digitale (et la veille), c’est bien plus que des applications et des sites web. Lorsque les dirigeants investissent dans le web, le digital, les nouvelles technologies et l’innovation c’est bien. Mais le plus grand défi n’est pas l’interface. C’est ce qui se passe derrière le rideau : les changements dans les comportements des employés, les procédures et les modèles de l’entreprise qui sont beaucoup plus difficiles à bouger. Un article récent rapporte que les procédures de Starbucks ne peuvent plus suivre les commandes effectuées sur l’appli de la marque. Elle est tellement populaire que l’entreprise a du mal à suivre. On doit voir la transformation digitale comme une révolution à part entière.

Il y a trois ans, vous avez rejoint Brandwatch, le leader indépendant des solutions de veille et d’analyse des médias sociaux en tant que le tout premier Global Chief Marketing Officer. Dès fin 2015, Brandwatch a fait ses premières incursions en France. En octobre dernier, vous avez ouvert un bureau à Paris. Quels sont vos atouts principaux par rapport à d’autres gros concurrents comme Synthesio, Radarly, Radian 6 et bien d’autres encore ? Pourriez-vous aussi nous dire avec qui vous travaillez en France et quelles vos principales réalisations jusqu’à présent ?

Will Mc Innes : Nous sommes l’une des deux seules plateformes à avoir été nommée leader dans deux régions de monde dans le dernier rapport sur le social listening du cabinet indépendant Forrester. Le succès de nos clients fait partie intégrante de notre succès. C’est la raison pour laquelle il est indispensable que nous nous assurions que nos produits et services satisfassent leurs besoins grandissants tant en complexité qu’en couverture géographique et notre présence mondiale est l’un de nos points forts.

On évolue avec nos clients. Pour survivre dans ce monde digital en constante évolution, l’agilité est clé. C’est pourquoi nous développons des produits qui offrent des solutions flexibles et évolutives qui s’adaptent facilement et rapidement aux changements de stratégie de nos clients si besoin. Nous allons au delà du social listening en accompagnant nos clients stratégiquement ? C’est ce qu’on appelle notre programme de Customer Success. Nous avons plus de 90 employés entièrement dédiés à ce programme, le but étant de nous assurer que nos clients tirent le maximum de nos produits. Je pense que notre point fort est une combinaison de fonctionnalités techniques et de services.

L’ouverture de notre bureau à Paris en Octobre dernier a été une étape importante pour notre développement à l’international. Nous entretenons d’excellentes relations avec nos clients français parmi lesquels on compte Publicis Group, L’Oréal, Digitas LBi, Pierre Fabre et bien d’autres que nous ne pouvons pas citer publiquement. Quoi qu’il en soit nous bénéficions d’une forte dynamique en France qui nous a permis de prendre part à de nombreux projets ambitieux.

Aujourd’hui, le Big Data est un sujet crucial. Néanmoins, les communicants et les marketeurs sont trop souvent submergés par trop de données, de tableaux de bord et de métriques. En plus de cela, la communication n’est pas quelque chose d’aisé à évaluer en termes de résultats comme les ventes ou le taux de change. Au final, ils peuvent finir par perdre de vue les éléments qui comptent pourtant vraiment pour leur marque ou leur activité et prendre des décisions non-pertinentes. A votre avis, quel devrait être la priorité absolue et qu’est-ce qui devrait être mis de côté ou du moins considéré comme secondaire ?

Brandwatch - ViziaWill McInnes : Excellente question ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons développé notre produit Vizia. On voit nos clients être submergés de données. Ils nous disent qu’ils souhaitent changer la manière dont l’information est partagée au sein de leurs organisations. Ils veulent raconter des histoires visuellement et changer les comportements via des insights pêchus, importants et innovants. En tant que CMO, il est indispensable d’avoir trois préoccupations principales : les ventes, la satisfaction client et la part de voix.

  • Les ventes : c’est la réalité. Qu’est-ce que nos consommateurs achètent, pourquoi, où ? Et que pouvons-nous savoir sur ce qui les motivent à acheter ?
  • La satisfaction client : Est-ce qu’ils aiment notre marque ? Que disent-ils sur nous sur le web social ? Quels avis donnent-ils dans les sondages après achat ?
  • La part de voix : quelle est votre part de voix sur le marché comparé à la concurrence ? Des études scientifiques crédibles démontrent que la part de voix (surtout si elle dépasse la part de marché) est un levier de croissance. Dans ce monde digital, on s’est habitué à chasser les clics, mais mon argument est que, quel que soit votre mix de tactiques, votre part de voix au sommet du funnel de vente est primordiale.

Ce que l’on appelle communément le « Dark Social » fait référence aux partages sociaux qui ne peuvent justement pas être tracés avec précision et analysés par les plateformes Web. Néanmoins, une étude de RadiumOne dit que quasiment 70% des références en ligne proviennent globalement de ce « Dark Social ». Pensez-vous que nous serons en mesure dans un proche futur de mieux capturer et évaluer cette portion importante de trafic conversationnel ?

Brandwatch - dark-socialWill McInness : Une autre question très intéressante ! A court terme, je ne pense pas que nous serons en mesure d’être plus spécifique sur le trafic provenant du dark social. Il est ce qu’il est. Les plus grosses plateformes sont en train de devenir plus privées, et cela n’est pas par hasard. Nous devons observer comment les technologies et les comportements vont évoluer.

Nous entrons de plain-pied dans l’âge de l’apprentissage automatique (Machine Learning) et de l’intelligence artificielle. Les experts marketing évoquent de plus en plus un marketing prédictif qui peut aider à anticiper les tendances et les attentes des communautés ciblées. Cependant, nous constatons tous que les sondages d’opinion sont régulièrement faux ou peu précis malgré les efforts énormes pour sonder les opinions publiques et les comportements. Ne pensez-vous pas qu’on surestime un peu les capacités des outils de veille ?

Will McInnes : Absolument ! On surestime les outils de monitoring en ligne. On surestime également les méthodes « traditionnelles ». Les sondages n’ont pas prédit le Brexit ou la victoire de Trump. On surestime, on croit en des techniques et des technologies peu ou voire pas dignes de confiance pour mesurer l’efficacité des publicités social media, les vidéos ou l’audience télévisée.

Pour moi, le rôle de la social media intelligence est de compléter un ensemble de recherches ou d’insights. Le domaine du social media est rapide, nouveau et spontané. Le reach géographique est vaste. Il peut être statistiquement solide mais a également un certain nombre de faiblesses. Nos clients comprennent cela et l’utilisent en tant que tel. On aimerait tous avoir un remède miracle, malheureusement il n’existe pas.

Ma dernière question porte sur deux sujets en pointe actuellement : le Social Selling et les salariés ambassadeurs (Employee Advocacy). Ces deux tendances dynamiques peuvent redistribuer les cartes. Pensez-vous qu’elles puissent brouiller les lignes en ce qui concerne l’influence en ligne des marques et des entreprises ? Comment ?

Brandwatch - employee advocacyWill McInness : Le social selling est intéressant (probablement un peu surfait) mais très intéressant en B2B. Nous travaillons avec des marques B2B majeures qui expérimentent des prototypes de programmes de social selling très intéressants. Je suis d’accord sur le fait qu’ils se floutent, si l’on passe à l’employee advocacy, c’est, à mon avis, une partie de LA vraie tendance : la tendance des humains qui sont en réseau et échangent dans des conversations ; ces conversations étant des marchés comme l’a décrit The Cluetrain Manifesto il y a quelques années. Dans ce monde en réseau, dans lequel Brandwatch construit un nouveau type d’intelligence, l’employee advocacy devient une force incroyablement puissante. Les individus font confiance aux individus. Si vous pouvez créer un environnement où vos employés comprennent, croient et sont enthousiasmés par l’objectif de votre organisation, ses produits et services, vous surpasserez les concurrents les plus faibles sur les médias sociaux et en affaires.

Entretien réalisé le 2 février 2017 avec le précieux concours de Catherine Cervoni 

Pour en savoir plus

– Visiter le site en français de Brandwatch
– Lire le blog particulièrement pertinent de Brandwatch (en français)



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