Josselin Martin de Genius : “Les communicants ont besoin de sens et de perspective dans leur relation au travail »

Le métier de communicant s’est considérablement ramifié en diverses expertises pointues durant ces dernières années. Le digital est évidemment au cœur de cette transformation des compétences mais pas uniquement. Les entreprises ont aussi du mal à identifier les bonnes ressources ou bien proposer des recrutements attractifs à des talents junior et senior qui en retour, ne veulent pas ou plus simplement jouer les bouche-trous par intérim mais s’impliquer dans des projets à échéance plus longue et avec du sens. C’est sur ce constat que s’est créé Genius, une société qui entend réinventer la relation de travail en créant une communauté de talents spécialisés en marketing, communication et digital au service des annonceurs. Le Blog du Communicant a rencontré Josselin Martin, l’un des trois co-fondateurs et directeur général de cette entité pas comme les autres.

Les métiers de la communication et du marketing touchent l’ensemble des secteurs d’activité. En 2015 d’après une étude du cabinet EY, 155 000 personnes travaillent dans les services communication chez l’annonceur et 115 000 en agence-conseil. Avec une palette de profils qui n’en finit pas de s’étendre, notamment avec la digitalisation qui a vu l’émergence de nouvelles compétences comme les ergonomes Web, les social media managers, les experts du SEO, etc. Pourtant, malgré l’abondance des besoins, les parcours professionnels des uns et des autres sont loin d’être rectilignes et épanouissants. Selon une étude RegionsJobs de 2017, plus de la moitié des actifs n’est pas satisfaite de son salaire et deux tiers d’entre eux ne se projettent pas plus de 5 ans dans la même entreprise. Pourtant, toujours d’après la même étude, qualité des projets, évolutivité du poste et rémunération sont des critères qui incitent à rester engagés. Ce tryptique, Genius en a fait sa raison d’être.

Lorsqu’on parcourt votre site Web, on note immédiatement que Genius ne se définit nullement comme une agence de travail intérimaire, ni comme un cabinet de chasseurs de tête ou d’outplacement, ni encore une comme une agence de communication offrant des prestations et du conseil. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous lancer dans ce défi où vous entendez “réinventer la relation au travail à travers une communauté de talents” en marketing et communication ?

Josselin Martin : C’est d’abord une anecdote vécue en 2016 qui nous a interpelés. A l’époque avec mes associés de toujours, j’étais directeur associé de l’agence de conseil en création marketing et communication, Hungry & Foolish. Un de nos clients chez BNP Paribas me contacte. Il est confronté à un départ dans son équipe et cherche urgemment un expert en brand content. Nous lui détachons donc une personne de mon équipe pour 3 mois, le temps de l’aider à se réorganiser. Seulement, la collaboration se déroule tellement bien que le contrat se prolonge pour 9 mois supplémentaires ! Puis des opportunités similaires se sont multipliées avec ce même client à tel point que nous avons commencé à creuser le sujet sur cette tendance émergente.

J’ai lu quantité d’études et de rapports sur l’évolution des métiers de la communication mais aussi sur la façon dont les modes de collaboration et les attentes s’établissaient entre les entreprises et les professionnels de la communication en activité et en recherche d’emploi. Il en ressort plusieurs observations. Du côté des annonceurs, nombreux sont les responsables communicants et marketeurs qui voudraient étoffer leurs équipes, intégrer des profils pointus sur le digital ou encore pallier à des pics d’activité soutenus sur une durée déterminée. Or, ils sont fréquemment contraints par un gel des embauches et des restrictions budgétaires. Du coup, il ne devient pas toujours évident de dénicher la bonne expertise dans un laps de temps généralement très court. Ni même d’attirer les meilleurs sur des missions à caractère ponctuel.

Du côté des actifs (qu’ils soient salarié, auto-entrepreneur, libéral ou chômeur), des problèmes d’adéquation se posent également. Les plus jeunes se voient souvent objecter leur expérience restreinte. Quant aux plus seniors, certains ont besoin de se remettre à niveau sur le digital ou bien éprouvent des difficultés à valoriser un cursus professionnel pourtant bien rempli auprès des entreprises. Il y aussi les quadragénaires qui parviennent à un tournant de leur vie professionnelle où ils souhaitent exploiter leur talent autrement et en mettant l’accent sur un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
Il existe donc quantité d’exigences et d’opportunités de part et d’autre mais pour les diverses raisons que je viens d’évoquer précédemment, les relations de travail ont du mal à se nouer correctement. L’entreprise veut minimiser les risques d’une erreur de casting. L’individu aspire à une mission qui corresponde aussi à sa quête de sens, avec ses propres convictions et qui lui permette aussi de se projeter a minima. C’est précisément sur ces constats que s’est forgé le concept de Genius : créer une communauté de talents sélectionnés par nos soins, rémunérés et formés par nous et suffisamment agiles pour s’impliquer au pied levé sur des missions valorisantes au sein des entreprises tout en ayant du temps pour soi à certains moments.

Genius fonctionne opérationnellement depuis 10 mois. Quels sont les premiers enseignements et résultats que vous pouvez partager en ce qui concerne votre démarche atypique ?

Josselin Martin : Tout d’abord, nous avons déjà bâti une communauté de 25 talents aux compétences et niveaux d’expérience variés. 20 ont été recrutés en CDI par Genius et tous sont actuellement engagés dans des missions chez la dizaine de clients que nous comptons comme notre partenaire historique, BNP Paribas mais aussi Unilever, Lindt, Michelin, Natixis ou encore les Mousquetaires. Jusqu’à présent, la durée moyenne des missions est de l’ordre de 10 à 11 mois. Nous avons même décroché trois missions s’étalant sur trois ans d’affilée. Ces premiers chiffres confirment que notre démarche rencontre un vrai écho de la part des entreprises comme des professionnels de la communication.

Le plus gros risque réside en fait dans ce que nous appelons l’inter-contrat, c’est-à-dire le temps qui s’écoule entre deux missions pour une personne. Ce risque n’est assumé ni par l’entreprise, ni par le talent mais par Genius qui garantit le salaire de ce dernier hors mission. C’est certes un pari stratégique qui peut sembler osé mais auquel nous croyons vraiment. En effet, ce temps résiduel entre deux projets peut être consacré à de la formation, du mécénat de compétences pour des ONG, du soutien opérationnel pour Genius comme par exemple optimiser le référencement de notre site Internet ou encore des congés puisque la personne est dans le cadre d’un CDI.

Pour être totalement transparent, je dois dire que jusqu’ici, nous n’avons été confrontés qu’à très peu d’inter-contrats de longue durée. A peine une mission s’achève pour un talent que celui-ci repart pour une autre aventure dans les jours qui suivent. C’est bien la preuve que notre concept répond à une tendance du marché.

Comment procédez-vous pour identifier et recruter les talents qui vont composer la communauté de Genius ?

Josselin Martin : Le premier critère que nous appliquons en toutes circonstances est que nous recrutons pour Genius et les valeurs que la société entend véhiculer, à savoir une vision communautaire des métiers de la communication et du marketing. Ce point est très important. Nous ne nous définissons pas comme une agence de travail intérimaire où l’on se contente d’avoir une offre de CV qualifiés et de répondre à des demandes d’employeurs. Nous allons au-delà. Les profils recrutés par Genius sont formés en continu. L’idée est qu’ils restent Genius tout en disposant de missions variées.

En interne, en plus d’une équipe commerciale qui prospecte pour identifier des missions au sein des entreprises, nous avons donc une équipe dédiée au recrutement et à la formation des talents que nous souhaitons intégrer. Pour cela, nous sommes particulièrement actifs sur la plateforme Linkedin Recruter ainsi que sur la plateforme affinitaire d’emploi Welcome to the Jungle. Sur ces deux canaux, nous veillons également à travailler et promouvoir la marque employeur de Genius. Chaque candidature est scrupuleusement examinée et reçoit une réponse personnalisée qu’elle soit positive ou négative. Ensuite, la cooptation est un autre levier sur lequel nous nous appuyons. Beaucoup de nos talents nous recommandent des personnes. Des entreprises nous proposent aussi des CV qui correspondent au positionnement de Genius.

Enfin, il convient de faire vivre cette communauté Genius. Au quotidien, chacun est effectivement engagé dans sa mission du moment. Pour créer du lien social, nous avons imaginé tous les 3èmes jeudi de chaque mois, un événement baptisé « Marvellous » qui invite tous nous talents à faire par exemple une visite privatisée d’un lieu culturel ou de participer à une activité ludique. De temps en temps, l’activité est également ouverte à nos clients. Nous avons aussi mis en place un workshop tous les deux mois qui rassemble talents et clients. Celui-ci consiste en l’intervention d’un expert de haut niveau qui vient partager son expérience et ses analyses sur des tendances de la communication et du marketing. Au final, nous espérons que Genius soit vraiment perçu comme un tiers de confiance autant par les talents que nous recrutons que par les clients qui font appel à nos services.

A vous écouter, on est séduit par la philosophie de Genius. Cependant, n’est-ce pas un peu illusoire de vouloir développer cette approche tant le marché de l’emploi dans la communication et le marketing est tendu, très cyclique et pas vraiment accueillant pour les jeunes fraîchement diplômés et les professionnels très expérimentés qu’on qualifie souvent de « trop chers » ou pas « assez malléables » ?

Josselin Martin : Je n’ignore pas les complexités et les paradoxes du marché mais je crois profondément qu’on peut justement construire une relation au travail qui soit autant fructueuse pour la personne que pour l’entreprise qui l’accueille. Pour nous, il ne s’agit pas de placer à tout prix un talent dans une mission. Cela nous est déjà arrivé de refuser certaines d’entre elles car elles ne cadraient pas avec les valeurs de Genius et les attentes du talent. Nous croyons au développement des individus qui passe aussi par des missions à valeur ajoutée. Et pour nos clients, je pense que notre approche est rassurante. Nous sommes absolument transparents sur la structure des coûts. Nous leur présentons deux candidats soigneusement sélectionnés à chaque opportunité qu’ils nous soumettent. L’humain est central surtout dans des métiers comme la communication et le marketing où la technicité est une chose mais l’adéquation entre des personnes amenées à collaborer ensemble, en est une autre.

Ne craignez-vous pas d’être rapidement copiés par des acteurs plus gros et/ou plus connus ?

Josselin Martin : Pour l’instant, Genius est la seule entreprise à occuper cette niche de marché. Peut-être que d’autres acteurs viendront comme par exemple les grands cabinets de conseil ou les ESN (ex-SSII) qui ont déjà créé des « practices » communication. Mais leur orientation diffère quelque peu. Leur offre est de mettre à disposition des consultants maîtrisant des processus métiers. Il n’y a pas forcément cette dimension secteur spécialisé et communauté que nous cultivons prioritairement. Je reste convaincu que l’univers professionnel de la communication et du marketing se transforme et que notre concept communautaire répond doublement aux attentes des talents et des entreprises.

Propos recueillis par Olivier Cimelière le 4 octobre 2018



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