Note de lecture – « #BrandVandals » de Steve Earl & Stephen Waddington

Peu de livres professionnels peuvent autant s’enorgueillir d’avoir su analyser aussi finement les nouveaux enjeux réputationnels des marques et des entreprises à l’heure où un tweet suffit à ruiner 2 ans de communication tous azimuts. Avec « #BrandVandals », les experts britanniques Steve Earl et Stephen Waddington délivrent un ouvrage à lire impérativement par tout communicant qui se respecte. Ils décortiquent au scalpel le renversement de pouvoir entre les marques et leurs publics. Ils décrivent sans concessions les dommages que peuvent infliger les assaillants numériques sur la réputation d’une marque. Mais loin de céder à un discours anxiogène, ils tracent les solutions concrètes pour que la communication corporate et marketing sorte de son nombrilisme contrôlant et entreprenne une authentique révolution passant par une écoute active et un dialogue accru avec ses audiences.

Sur la jaquette du livre des co-auteurs, figure une citation émanant de Francis Ingham, directeur général de la PRCA (Public Relations Consultants Association) et directeur opérationnel d’ICCO (International Communications Consultancy Organisation). Son cri du cœur est sans ambages : « Réclamez, empruntez ou volez ce livre. Il doit être votre bible des relations publics ». Après la lecture de celui-ci, je ne peux qu’abonder totalement dans le sens de cette phrase enthousiaste. Plutôt qu’ingurgiter de roboratifs modes d’emploi sur les réseaux sociaux, lisez plutôt cet essai remarquable qui dresse un panorama complet des bouleversements engendrés par la communication digitale en matière de réputation et d’influence. Il fourmille d’exemples très concrets et de réflexions pragmatiques à mille lieues des gourous pontifiants souvent déconnectés des réalités du terrain. Extraits subjectivement glanés.

L’avènement des « vandales de marques »

Brand Vandals - book coverEcrit à quatre mains par Stephen Waddington, directeur Europe du digital et des médias sociaux chez Ketchum, et Steve Earl, directeur général Europe de Zeno Group, le livre s’articule autour de deux grandes sections. La première s’attache à décrypter le profil, les comportements, les aspirations et les impacts qui caractérisent « les vandales de marques » et leurs agissements sur la Toile. La seconde partie explique comment les communicants doivent apprendre à penser autrement pour concevoir des dispositifs pertinents face aux attaques potentielles et tirer parti de la conversation numérique pour se bâtir une réputation où les parties prenantes peuvent devenir vos meilleurs alliés. Pour les deux auteurs, se mouvoir intelligemment sur les médias sociaux implique en revanche obligatoirement d’admettre que la communication est désormais devenu bilatérale. A plusieurs reprises, ils insistent sur la nécessité absolue de se débarrasser des recettes d’antan faites de contrôle à outrance, de calibrage cosmétique et d’autisme patenté. Si cette acceptation de changement de donne n’est pas intégrée totalement, il est alors illusoire d’espérer s’en sortir face à des adversaires qui n’entendent plus se faire dicter leurs opinions et leurs perceptions.

Dans le chapitre 1, Stephen Waddington est très explicite sur ce point : « L’industrie des relations publics doit permettre aux organisations de construire leur réputation en gagnant l’attention des publics plutôt qu’en l’achetant. L’industrie doit être assez courageuse pour aligner son business model avec les nouveaux défis rencontrés par les organisations et s’éloigner des structures hiérarchiques anciennes ». A ceux qui seraient tentés de réduire les agitateurs du Web à une ridicule poignée d’énervés patentés et de râleurs nés, l’expert balaie expressément cette vision caricaturale. Qu’il soit un simple individu mécontent ou une association militante, le « vandale de marque » peut frapper à tout moment, de manière très directe et avec des répercussions qu’il serait fâcheusement imprudent de minorer.

Dans ce nouveau contexte, l’enjeu premier consiste par conséquent à comprendre ces adversaires d’un nouveau genre pour mieux prévenir de potentiels avatars réputationnels mais également identifier des opportunités pour faire progresser sa propre communication avec les différents publics concernés. Cette double vision des enjeux est d’ailleurs un point fort récurrent du livre. Jamais, les auteurs ne s’abandonnent à une analyse délétère et anxiogène où les marques se trouveraient prises au piège dans un gigantesque ball-trap numérique. S’ils n’éludent absolument pas les chausse-trappes et les bad buzz qui guettent, ils prennent à chaque fois soin de préciser que les médias sociaux peuvent aussi tourner à l’avantage des marques, à condition qu’elles sachent s’extirper des vieux schémas et faire preuve de plus d’ouverture et d’écoute dans leur dialogue avec les parties prenantes. Pour eux, une réputation s’entretient solidement à cette seule et unique condition et pas en se retranchant derrière des espèces de ratios mathématiques d’influence à la Klout et PeerIndex.

Comment contrer l’adversaire et rebondir ?

Brand vandals - Social media monitoringLa deuxième partie du livre traite abondamment d’un nouveau secteur des relations publics en plein boum actuellement : la veille digitale. Face aux cas répétés de vandalisme numérique, les entreprises se dotent de manière graduelle d’outils de veille des réseaux sociaux pour repérer des foyers de tension et des critiques en gestation pouvant endommager la réputation d’une marque ou d’une enseigne. Si les auteurs se satisfont pleinement de cette prise de conscience, ils ne manquent néanmoins pas d’alerter sur deux points cruciaux encore trop souvent sous-évalués.

Le monitoring des médias sociaux ne doit d’abord pas être uniquement réduit à un brassage automatisé de données à coups de logiciels ultra-performants. Cette approche prévaut pourtant encore dans beaucoup d’organisations qui omettent d’ajouter la touche humaine capable d’interpréter, de contextualiser et d’affiner (voire de rectifier) les informations collectées.

De même, la veille numérique doit être partagée au plus niveau des comités de direction comme une priorité de tout premier ordre mais pas uniquement à travers le prisme technique qui consiste à acquérir un coûteux outil informatique avec l’illusion commode que tous les dangers digitaux seront ainsi parés. Pour Steve Earl et Stephen Waddington, la veille doit être un état d’esprit continuel qui irrigue les décisions stratégiques des communicants et des dirigeants. C’est en cultivant en permanence cette philosophie de l’attention et de l’écoute que les marques sauront réagir promptement et intelligemment au lieu de se réfugier derrière des tableaux de bord chiffrés et des concepts à taille unique.

Ensuite, les deux auteurs insistent longuement sur 5 critères qui selon eux constituent les prérequis nécessaires de toute équipe de communication consciente des challenges induits par les médias sociaux. En résumé, on trouve ainsi :

  • Le sens de l’organisation. Cela peut sembler d’une évidence confinant au truisme. Pourtant, de nombreuses entreprises pêchent encore par des procédures absentes, incomplètes ou obsolètes. Or, en cas d’attaque numérique, la clarté de l’organisation est fondamentale
  • L’adaptabilité. Si les procédures sont essentielles pour cadrer les rôles et les responsabilités, elles ne doivent pas pour autant tétaniser ou mécaniser les actions. Elles doivent au contraire engendrer une capacité à observer l’adversaire et à faire évoluer sa propre tactique à l’aune des événements au lieu de rester rivé à ce qui est écrit dans le manuel de référence.
  • L’agilité. Dans le même registre, une équipe de communication confrontée à une crise digitale, doit pouvoir réagir sans subir la pesanteur bureaucratique qui sévit encore largement dans les sociétés, notamment avec les contraintes juridiques qui ont le don de ralentir les opérations. Sauf que sur la Toile, le temps est dilaté et ne s’accommode guère des validations formelles.
  • Le calme. La tentation de foncer, voire de céder à la pression ou à la panique, est un piège récurrent. Sous l’impact d’une crise, il arrive souvent que les comportements s’affolent ou s’énervent. Avec le digital, ce type d’attitude peut générer des proportions encore plus dramatiques car le traitement de la crise est désormais vu en direct par des milliers, sinon des millions, de personnes capables d’entrer à leur tour dans la danse. D’où cet impérieux besoin de sang-froid pour éviter de finir dans une embardée réputationnelle dramatique.
  • L’ingéniosité. Critère peut-être plus surprenant mais loin d’être superfétatoire. Il s’agit de pouvoir s’autoriser une plus grande créativité dans la gestion d’une attaque en ligne. En revanche, cela suppose une connaissance fine de ses publics et de ses sujets si l’on ne veut pas in fine se retrouver hors-jeu ou déconnecté de la réalité des enjeux.

Ultime point crucial sur lequel les co-auteurs insistent également : l’argent ! A leurs yeux, les dispositifs mis en place n’auront d’intérêt que si les investissements sont suffisants et durables, y compris en termes de ressources humaines. Là aussi, le constat peut sembler relever de l’évidence même. Pourtant, combien d’entreprises en sont encore aujourd’hui à ergoter sur les budgets numériques ou alors à tout dépenser pour une pseudo-solution technique qui ne couvre pas forcément les réels besoins de l’équipe communication ? La question est effectivement loin d’être neutre. Une veille numérique pertinente et au long cours suppose des ressources budgétaires significatives qui au final, coûteront toujours moins cher qu’une crise digitale mal gérée.

Et maintenant, direction la librairie !

Brand vandals - imageCe bref résumé est loin de refléter l’extrême richesse des analyses formulées par Steve Earl et Stephen Waddington. Ils abordent ainsi d’autres notions pareillement capitales comme la confiance à instaurer avec les parties prenantes, la mobilisation des employées qui doit aller au-delà des discours convenus de la communication interne, le juste équilibre à instiller entre transparence et vérité, etc. Pour quiconque se pose des questions sur la nécessité de mettre au rebut les astuces vermoulues de la com’ d’antan ou les ficelles sulfureuses des spin doctors, voici un ouvrage qu’il convient de lire et relire autant de fois que nécessaire.

A l’heure des « vandales de marques » capables de mettre en vrac une réputation à coups de quelques clics, il est irresponsable et non-professionnel que de continuer à s’agripper au bastingage de la communication d’officine telle que d’aucuns la pratiquent malheureusement encore. La réputation ne se décrète plus avec des mains sur le cœur et des oreilles bouchées mais avec des mains tendues vers les autres et des oreilles ouvertes à la critique. En cela, les « vandales de marques » doivent inciter les communicants et les dirigeants à daigner embrasser cette nouvelle donne numérique où ces derniers peuvent aussi gagner et rebondir efficacement s’ils s’en donnent la peine et les moyens. Alors, lisez « #BrandVandals » et vous verrez vos plans stratégiques sous un autre œil !

Je tiens à remercier mon ami Tom Liacas, consultant canadien et stratège digital hors pair qui m’a conseillé la lecture de cet ébouriffant et rafraîchissant livre.

Le pitch de l’éditeur

Steve Earl & Stephen Waddington – « #BrandVandals – Reputation wreckers and how to build better defences » – Bloomsbury – 12£99 (uniquement édité en anglais) – 270 pages – Novembre 2013

Thanks to the rise of social media, what audiences think and say about organisations has never been more critical. Steve Earl and Stephen Waddington’s Brand Anarchy examined the impact of media change and the new reputation landscape brought about by disaffected shareholders, customers and staff voicing their opinions to a global Internet audience.
The authors continue the story here with the brand vandals going one step further; mobilising themselves, and the Internet, to wage war on organisations and willfully cause lasting reputational damage.

For the organisation, engagement isn’t an option – it’s a necessity. Brand vandals are forcing a level of dialogue that organisations, public and private, have never had to contemplate before. Smart organisations are helping to define the future of modern brand communication by retooling their public relations and communications teams to truly get to grips with the challenge of engaging audiences in a 24/7 conversation that not only answers criticism, but positively rebuilds corporate reputation. Is your organisation ready for the brand vandals?

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