#ComPol : Décryptage de l’opportuniste et artificielle communication de Laurent Wauquiez 

Pur-sang de la politique politicienne, Laurent Wauquiez est un acteur qui vit de conquêtes, d’images et de pouvoir. Il avance au rythme débridé du lapin blanc toujours en retard d’Alice au Pays des Merveilles. Fort d’une intelligence au-dessus de la moyenne, le quadragénaire grisonnant de la droite déroule une stratégie de communication musculeuse et cinglante où l’exercice du grand écart ne l’effraie pas. La marque Wauquiez n’est pas une question de convictions mais de capacité forte à surfer sur des tendances et à imprimer fortement l’opinion pour en récolter ses suffrages au moment idoine. Plongée dans les coulisses de l’homme à la parka rouge.

Qui a écrit en 2006, la phrase suivante (1) dans son manifeste politique (2) : « J’en garde une conviction personnelle : nous n’avons pas toujours besoin de cette posture d’opposition et de guerre de tranchées dont les Français se demandent parfois quelle est la part de comédie. Il y a des domaines où l’on peut sortir de l’opposition gauche-droite, où l’on peut travailler ensemble pour faire avancer des débats de fond dans la société française ». Relues dans le contexte actuel, ces phrases ne dépareilleraient pas dans un argumentaire de La République en Marche ou des Républicains constructifs. Pourtant, ce paragraphe fédérateur dans l’âme émane de Laurent Wauquiez lui-même ! A mille lieues du Wauquiez 2017 qui rafale et sulfate en permanence tout ce qui s’oppose à son inextinguible soif de pouvoir et à sa ligne politique dorénavant en titane droitier. 

Se démarquer, toujours !

Crédit : AFP PHOTO / JEFF PACHOUD

Laurent Wauquiez n’est pas à un paradoxe près. Il le sait et en joue sans complexes. L’essentiel pour lui, est d’exister et de trancher dans un monde politique où la recomposition des acteurs s’est brutalement emballée avec l’émergence d’En Marche et l’élection de son fondateur, Emmanuel Macron, à la présidence de la République un an plus tard en mai 2017. Des 10 figures en lice pour la présidence de l’UMP que je passais au crible en juin 2014 sur ce même blog, un seul présente encore aujourd’hui un poids et une influence significative : Laurent Wauquiez. Tous les autres sont plus ou moins retirés des affaires, traversent alors de mornes plaines médiatiques ou ont franchi le Rubicon. En revanche, Laurent Wauquiez n’en finit pas de faire parler de lui. Jusqu’au moindre détail s’il le faut et pourvu que cela alimente l’écho médiatique et digital autour de sa personne.

Le dernier exemple en date est emblématique du mode opératoire communicant de Laurent Wauquiez. Début novembre, la justice vient de lui interdire l’installation d’une crèche de Noël dans le hall de la région Auvergne-Rhône-Alpes, lieu laïc par excellence. Qu’à cela ne tienne ! Le président de région qu’il est, fait aussitôt exposer dans ce même hall, huit scènes de santons à forte connotation religieuse tout en la présentant « naïvement » comme (3) « une exposition de santons ». Et le tour de passe-passe fonctionne à merveille. Ses thuriféraires s’enthousiasment tandis que ses opposants s’étranglent. Lui n’en a cure. Une fois de plus, il s’est imposé comme l’alternative politique qui ne rompt, ni ne recule devant rien.

L’ADN de la provoc comme boussole

Il faut bien avouer que le destin a bien servi Laurent Wauquiez. A peine eut-il le pied mis à l’étrier par son mentor politique Jacques Barrot (qu’il a depuis renié comme un goujat), il est élu en juillet 2004 plus jeune député de l’Assemblée nationale. Son look svelte, sa taille de sportif et son sourire à la Rastignac feront le reste et le propulsent sous les feux de la rampe médiatique. Pour autant, le bizut des bancs de l’Assemblée prend très vite soin de ne pas succomber aux adorations volatiles dont les médias sont ponctuellement coutumiers. Un de ses partisans rappelle une anecdote révélatrice de ne pas faire comme les autres pour conserver un profil bien à soi (4) : « Il faisait exprès d’arriver à Paris sans avoir ciré ses chaussures, histoire de montrer qu’il avait les pieds dans la glaise de la Haute-Loire ». De fait, Wauquiez usera en permanence de ce registre provocateur pour façonner l’image du politicien différent et ancré dans les réalités. En 2007 lorsqu’il est nommé secrétaire d’Etat dans le gouvernement Sarkozy, il se rend à ses bureaux en vélo et les huissiers lui barrent l’accès de son hôtel particulier ministériel. Qu’importe, il maintient et refuse ensuite la berline de fonction que son poste prévoit (5) : « J’ai la même à la maison. Je vais essayer de ne pas changer mes habitudes. C’est pour ça que je continue à me déplacer en vélo ».

Issu d’une famille de la haute-bourgeoisie industrielle du Nord, Laurent Wauquiez travaille toutefois à tout prix cette perception de trublion humble, proche du terrain et très conscient des problèmes quotidiens de ses concitoyens. Depuis qu’il est en charge de la présidence de la région Auvergne-Rhône Alpes, il a même enclenché la surmultipliée pour apparaître en toutes circonstances comme un homme comme les autres. Il est ainsi de tous les marchés et fêtes du coin, se déguisant au besoin. Dans les médias, il martèle en boucle les noms des produits du terroir qui sont cultivés dans sa région.

Une volonté de « francisation moyenne » qui l’amènera même en octobre 2017 à signer une véhémente tribune contre la personne d’Emmanuel Macron en assénant notamment ceci : « Il est sans doute le plus parisien des présidents qu’on n’ait jamais eus. Il est hanté par une haine de la province. C’est une vraie limite ». Et le plus sidérant est que l’écho est au rendez-vous alors même que Wauquiez a passé  l’essentiel de son enfance dans les très beaux quartiers parisiens et que ses études sont le parangon de cette élite  qu’il conspue à intervalles réguliers.

L’opportunisme et l’air du temps comme second levier communicant

L’une des forces de Laurent Wauquiez est de savoir renifler l’air du temps et des fractures qu’il renferme. Tout en prenant à chaque fois bien soin de soigner le dispositif médiatique et digital qui fera office de caisson d’amplification. A la différence d’autres acteurs qui slaloment ou noient le poisson sur certains sujets sociétaux, Laurent Wauquiez revendique le discours « cash » et aime l’effet d’annonce (à l’instar d’un certain Nicolas Sarkozy). Un exemple de cette démarche rentre-dedans  est les déclarations tapageuses qu’il livre à BFM-TV le 9 mai 2011. Interrogé sur le RSA, il sort le bazooka rhétorique en qualifiant celui-ci de symptomatique des « dérives de l’assistanat » et enfonce le clou en ajoutant que c’est un « cancer de la société française ». Et il est fier de son coup d’éclat (6) : « Ce moment, ça a été ma première libération. Ce jour-là, j’ai décidé que je ne serai plus un courtisan ». Qu’importe si le même impétrant se battra bec et ongles quelques années plus tard face aux révélations sur son cumul de 13 ans de droits à la retraite depuis son détachement du Conseil d’Etat en 2004 !

Chez Wauquiez, rien n’est tabou en matière de communication pourvu qu’il y ait du retour sur investissement réputationnel. Même si des dents doivent grincer et des voix s’égosiller, l’homme à la parka rouge trace son sillon au gré des vents de l’actualité qui peuvent servir son image. C’est précisément dans cette optique qu’il fut un des premiers ralliés de chocs en mars 2013 à la Manif pour Tous qui entendait s’opposer au mariage homosexuel. Il s’y est d’ailleurs taillé une sacrée cote de popularité parmi les religieux tradis qui lui vaut maintenant le soutien affirmé de Sens Commun, un mouvement politique né de cette manifestation et aux positions ultra-droitières. C’est pourtant oublier qu’au début des années 2000, Laurent Wauquiez n’était pas si allergique au milieu gay et à leurs revendications. « A l’époque, il n’hésitait pas à dire qu’il était favorable au mariage gay » assure un député qui l’a croisé (7).

Quelles limites pour la stratégie Wauquiez ?

Outre opérer sur une niche électorale pas forcément vouée à se répandre massivement, Laurent Wauquiez qui se rêve déjà en opposant pour l’élection présidentielle de 2022, n’a pas toujours l’envie de communiquer. Même lorsqu’on l’y invite fermement lors des primaires de décembre 2017 pour l’élection du président des Républicains. Pourtant, l’homme a longtemps été féru de cet exercice où les candidats en lice doivent prendre le risque de fendre un peu plus l’armure. En 2011, il avait même envoyé un SMS de félicitations aux dirigeants du Parti socialiste, les premiers qui avaient organisé pareil préambule pour désigner le chef avec débat télévisé à la clé. Là, Laurent Wauquiez a rétropédalé avec l’énergie d’un coureur cycliste grimpant le col de la Madeleine. Et de débat avec ses deux adversaires nettement moins connus (Florence Portelli et Maël de Calan), il n’y en eut effectivement point. Peur de se faire piéger, de se dévoiler outre mesure ou de servir de strapontin à des personnes jeunes qui entendent également faire valoir leur voix ?

Moins évoquée ouvertement dans les médias nationaux mais très pratiquée par Wauquiez, version président de région, la communication interne avec ses agents de la collectivité territoriale est quasiment inexistante. Elle se traduit surtout par un management autoritaire, hiérarchiquement très descendant sans parler d’absence de dialogue en maintes occasions. Ces deux jokers communicants incarnent-ils la limite de la com façon Wauquiez. S’ils révèlent indéniablement une inclinaison forte à vouloir tout maîtriser, ils ne sont pas (encore !) dans l’immédiat un obstacle.

Ce qui marche aujourd’hui en termes de communication politique, c’est le flingage à répétition, l’esbroufe gros sel et la vision binaire. Bref, tout ce qui va ensuite faire jaser les médias, les réseaux sociaux et le corps électoral. Ce dernier étant aujourd’hui dans des niveaux de défiance et de mépris jamais atteints envers les dirigeants politiques. D’ailleurs, à l’autre bout de l’échiquier politique, un Jean-Luc Mélenchon l’a bien compris (et avant lui Le Pen père et fille). Tout est bon pour faire du bruit, y compris l’enterrement de Johnny Hallyday et la présence d’un président de la République aux obsèques. Ce n’est pas une stratégie très glorieuse, ni tirant intellectuellement vers le haut. Mais force est de reconnaître que cela fonctionne.

Jusqu’au moment où le côté « tape-dur » sur tout et contre tout finira par lasser … ou sera repris au bon moment par un(e) autre. Sans parler de l’image trop clivante de Laurent Wauquiez. Paru le 8 décembre, un sondage Odoxa souligne que 62% des Français jugent qu’il n’est pas « proche des gens ». Pour quelqu’un qui clame à hue et à dia qu’il aime les « gens », là réside peut-être la preuve que sa stratégie de communication s’applique surtout à lui-même mais pas à celles et ceux qu’il veut cajoler. Il ne suffit pas de parler « sacom » pour faire « kiffer ».

Sources

– (1) – Eric Mandonnet – « Wauquiez au gré du vent » – L’Express – 8 novembre 2017
– (2) – Laurent Wauquiez – Un huron à l’Assemblée Nationale – Editions Privé – 2006
– (3) –Catherine Lagrange – « Wauquiez : une exposition de santons pour contourner l’interdiction d’une crèche de Noël » – Le Point.fr
– 4 décembre 2017 – (4) – Eric Mandonnet – « Wauquiez au gré du vent » – L’Express – 8 novembre 2017
– (5) – B.J. – « Wauquiez chargé de muscler la communication du gouvernement » – Le Figaro – 2 juillet 2007
– (6) – Emmanuelle Andreani-Facchin et Pierre Boisson – « Poivre & Fiel » – Society magazine – 22 octobre 2017
– (7) –Anne Brigaudeau et Clément Parrot – « Trahison, Patrick Buisson, parka rouge… Neuf anecdotes que vous ignorez sans doute sur Laurent Wauquiez » – FranceInfoTV.fr – 8 décembre 2017



5 commentaires sur “#ComPol : Décryptage de l’opportuniste et artificielle communication de Laurent Wauquiez 

  1. suffren116  - 

    Je vous ai connu pertinence d’analyse plus fine et plus juste. Cela sent le parti-pris personnel à plein nez conforme avec votre activité sur Twitter. C’est dommage.
    Par ailleurs, votre choix iconographique est pour le moins tendancieux et sans lien avec votre texte, mais plus c’est gros plus cela passe (selon le label Wauquiez que vous semblez chérir).
    A moins que vous soyez un militant encarté LR (ce qui me surprendrait au vue de vos prises de position), en quoi le vote démocratique (qu’on le veuille ou non) de militants d’un parti qui choisissent à 75% un candidat, mérite une telle analyse ? Vous ne convaincrez personne parmi ceux qui ont voté et ne changerez pas le vote. Doit-on comprendre que ce candidat vous parait « challenging » pour votre orientation politique personnelle et qu’il faut le combattre (par la caricature) au plus vite. C’est votre droit, mais la place est-elle sur ce blog ?
    Pour autant, je suis toujours intéressé pour vous lire.

    1. Olivier Cimelière  - 

      Bonjour

      Merci pour votre commentaire et pas de souci aucun si ma lecture de la stratégie de communication de Wauquiez vous déplaît. Ce blog est aussi fait pour le débat. Ceci étant dit, je sais encore dissocier mes convictions politiques d’un décryptage. Ensuite, je peux comprendre tout à fait que celui-ci irrite les partisans du nouveau président LR (élu certes à 75% face 2 challengers novices et avec une abstention forte mes militants – relativisons ) …

      Puisque vous êtes un familier de mon blog, je pense que vous aurez noté que je ne fais pas de prosélytisme politique. J’ai même égratigné des opérations de com concernant des acteurs qui ont plutôt ma sympathie en tant qu’électeur. Idem sur Twitter. Pour revenir à Wauquiez, je n’ai pas appelé à le combattre sur mon blog. J’ai pointé la construction d’une image de quelqu’un qui ne fait que surfer (il est loin d’etre le seul à le faire mais chez lui, c’est franchement visible) sur de l’électoralisme inspiré par le regrettable Patrick Buisson. En tant que citoyen, je suis en revanche résolument opposé à Wauquiez. En tant que communicant, les failles du système de com de Wauquiez sont ma seule préoccupation. Mais encore fois, je n’ai aucun probléme à ce que mes écrits soient contestés. Je ne détiens pas la vérité unique, cher lecteur « Suffren 116″/ »Foch29 » (c’est quoi le vrai nom ?) 😉

      1. suffren116  - 

        L’avantage avec le petit monde parisien c’est qu’il tourne en boucle et utilise les mêmes éléments (de langage). Vous êtes d’accord avec éclaireurs de la com, je vous félicite. Moi, ce que j’aime dans vos analyses c’est l’originalité et la pertinence. Pas la photocopie.
        Ceci étant, je vais m’arrêter, vous allez penser que je suis un supporter de LW ce qui n’est pas le cas. Plutôt du désintérêt immense pour toute cette classe politique et ses postures qu’elles soient en marche, insoumise, républicaine, nationale, démocrate, indépendante, ouvrière ou anticapitaliste (je crois n’avoir oublié personne à part peut-être socialiste ou communiste mais là il y a longtemps qu’il n’y y a plus de posture…).
        Salutations auvergnates

        1. Olivier Cimelière  - 

          Bonsoir
          Merci pour votre réponse et les encouragements à être original ! Même si c’est raté sur ce coup
          Je vous rassure. Je ne suis pas dans l’entre soi parisien et encore moins dans la politique. Même si mes activités professionnelles m’ont souvent amené à côtoyer ces univers.
          Je reste souvent perplexe et LW fait partie de ceux qui me dérangent le plus par leurs purs calculs opportunistes.
          En tout cas salutations à la magnifique région auvergnate. De la part du berrichon/orléanais que je suis

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