24ème Edelman Trust Barometer : La confiance sociétale est toujours au plus mal !

La confiance dans l’innovation technologique est au cœur de la 24ème livrée de l’incontournable Trust Barometer de l’agence de communication Edelman. Les résultats ont été dévoilés le 24 janvier. Le moins qu’on puisse est que sur la front de la confiance sociétale, les perceptions ne s’améliorent guère. Pire, les clivages ont tendance à se creuser et la confiance accordée aux pouvoirs institutionnels et politiques continue de s’éroder nettement. On trouve malgré tout quelques lueurs d’espoir dans ce tour d’horizon globalement sombre, particulièrement dans les démocraties occidentales et la France. Synthèse et commentaires.

Comme à chaque début d’année, l’agence de communication Edelman partage les résultats de son étude mondiale réalisée dans 28 pays auprès de 32 000 personnes interrogées. Cette 24ème édition ne révèle en soi rien de fondamentalement nouveau si ce n’est que la confiance sociétale est sacrément et durablement distordue au sein des populations sondées. A tel point qu’en France (et c’est valable pour de nombreux autres pays), 67% des citoyens du panel accordent toujours préférentiellement leur confiance à quelqu’un comme eux (amis et famille) devant les scientifiques (65%) et les experts des entreprises (57%). Le sujet de l’innovation technologique qui était le thème central de 2024, n’échappe pas à ce triangle de la confiance où décideurs politiques, économiques et médias sont écartés.

En Europe et en France, défiance à tous les étages du pouvoir

Cette 24ème édition confirme les observations de ces 15 dernières années : la confiance n’a jamais cessé de s’effriter en dépit de quelques rebonds chroniques çà et là. En France, 63% des personnes questionnées estiment que le gouvernement ne leur dit pas la vérité. Proportion identique en ce qui concerne les journalistes et un léger mieux pour les dirigeants d’entreprise qui se situent à 55%. Il n’en demeure pas moins que c’est une nette majorité qui déclare ne pas leur accorder de confiance alors même que ce sont les acteurs qui communiquent le plus au quotidien. De quoi s’interroger sur la meilleure façon de pouvoir les reconnecter à cette opinion publique si défiante. D’autant plus que même les ONG qui ont longtemps joui d’une belle influence, reculent également à 54% de méfiants.

En dehors du cercle de proximité (amis et famille) qui demeure solidement au top de la confiance à 67%, les gens se tournent plutôt vers les scientifiques (65% de confiance) et les techniciens experts des entreprises (57%) pour comprendre les innovations qui voient le jour et celles qui se développent à vitesse supersonique. Avec toutefois un bémol apporté en France : 60% des interviewés jugent que la science est trop politisée et que le gouvernement influe trop dans les débats. Ce qui impacte de fait sa crédibilité. Sans doute une résurgence des philippiques qui ont animé le corps médical hexagonal durant la pandémie du Covid 19 entre les thuriféraires du Pr Didier Raoult et les tenants d’une science plus orthodoxe plus soucieuse de rigueur et de méthode.

De nouvelles craintes sociétales

En France (comme dans beaucoup d’autres pays de l’étude), la crainte ultime est celle de perdre son emploi. 85% des sondés l’expriment très clairement. L’inflation est également un sujet d’inquiétude à 72%. Par ailleurs, le dérèglement climatique et la possibilité d’un conflit nucléaire restent des motifs de préoccupation très forts à respectivement 77% et 76% au sein du panel français.

En revanche, deux autres thèmes jusque-là relativement minorés, font une irruption fracassante. 78% des Français redoutent les conséquences des cyber-risques et des hackers avec une progression de 7% par rapport à l’année passée et 67% s’alarment au sujet de la guerre informationnelle qui sévit avec les fake news et les opérations de propagande en tous genres. En 2023, ils n’étaient « que » 54% à en avoir peur. Preuve s’il en est que l’opinion publique est sensible à la cacophonie informationnelle dans laquelle les sources sérieuses peinent de plus en plus à émerger et à s’imposer face aux falsificateurs complotistes de tous bords.

A propos de l’innovation technologique, la peur est également présente. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’innovation ne fait pas forcément rêver le corps sociétal français. 71% estiment que les changements sont trop rapides et qu’ils ne bénéficient pas vraiment à des personnes comme eux mais plutôt aux classes sociales les plus favorisées (84% des opinions). Autre point à relever : 66% jugent que le capitalisme technologique fait plus de mal que de bien au monde ! Une réticence qui est par ailleurs transpartisane en France puisque 45% à droite et 36% à gauche se disent opposés à cette innovation galopante. En Europe, c’est le score le plus élevé devant l’Allemagne et les Pays-Bas.

L’innovation, oui mais …

Trois secteurs technologiques font l’objet d’une défiance très marquée en termes d’innovation : l’intelligence artificielle que 56% rejettent, les organismes génétiquement modifiés (77%) et la génétique médicale (40%). Un rejet qui tient avant tout à la crainte suscitée par la complexité et la rapidité de déploiement de ces domaines. En effet, aux yeux des sondés, l’innovation pourrait être plus acceptable (et compréhensible au passage) si elle était d’abord conduite par les scientifiques (75%) et les techniciens experts des entreprises (69%). Sur ce point, dirigeants politiques et économiques ne recueillent que 56% de confiance.

Néanmoins, 52% des interviewés en France déplorent que les scientifiques ne communiquent pas avec eux et pour eux. Face à ce mutisme, ils sont 57% à aller chercher par eux-mêmes des informations en ligne et à s’appuyer sur les médias nationaux à 47% (sans oublier le cercle des proches qui compte tout de même pour 43%). Des chiffres qui mettent en exergue une absence de communication proche des préoccupations. Vanter les bénéfices et les progrès de l’innovation ne suffit plus à nourrir l’acceptabilité si en parallèle, les craintes et le questionnement ne sont pas traités correctement par les leaders d’opinion.

C’est tout le paradoxe de notre société contemporaine qui n’a jamais autant disposé de données et d’informations sur divers sujets et qui plonge inexorablement dans une défiance qui va parfois jusqu’à une polarisation extrême où les agitateurs de peurs et de complots prospèrent en répondant (fallacieusement) aux attentes du corps sociétal. Pour la 25ème édition du Trust Barometer, pourrait-on espérer voir les chiffres et les courbes s’incurver plus positivement ? Cela signifierait qu’enfin les enjeux font l’objet d’une communication digne de ce nom. Chiche ?

Pour en savoir, télécharger le rapport intégral du Trust Barometer 2024



Laisser un commentaire


Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.