Note de lecture : Les 100 premiers jours d’un(e) dircom d’Assaël Adary & Jean-Jacques Salomon*

Le repère symbolique des 100 jours est souvent appliqué aux gouvernants et aux dirigeants d’entreprise arrivant aux rênes d’une organisation. Assaël Adary, fondateur du cabinet d’études Occurrence et enseignant, et Jean-Jacques Salomon, éditeur et essayiste, ont eu l’idée de décliner ce concept des 100 premiers jours pour l’arrivée d’un directeur de la communication au sein d’une entreprise ou d’une institution. Dans leur ouvrage tout récemment paru, ils identifient une série d’enjeux qui attendent le nouveau nominé et ont recueilli des témoignages terrain.

Dans les 100 jours qui suivent la prise de fonction, faut-il sprinter pour marquer les esprits et s’imposer d’emblée ou bien adopter une allure marathonienne pour éviter les écueils et apprivoiser son nouvel environnement ? Tel est en substance le défi qui attend un(e) dircom prenant ses fonctions, surtout si la personne n’est de surcroît pas originaire de l’organisation qui la propulse dans ce poste. Pour tenter de comprendre les tenants et les aboutissants de ce cap qui peut être parfois épineux, voire fatidique, les deux auteurs se sont efforcés de recenser tous les sujets qu’un(e) dircom doit intégrer rapidement pour trouver, convaincre et justifier sa place dans l’organigramme de l’entreprise.

Ce que j’ai aimé

100 - couverture livreA la lecture du livre, on sent d’emblée que les deux auteurs avaient à cœur de rassembler le plus exhaustivement possible tous les chantiers qui attendent un dircom. Ils en ont listé une vingtaine pour lesquels il convient véritablement de prendre rapidement la mesure si l’on ne veut pas que la mission tourne court ou s’empêtre rapidement. Tout le paradoxe est de parvenir à appréhender lors de ces fameux 100 jours, ces éléments cruciaux qu’on ne fournit que trop rarement aux candidats lors du processus de sélection. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, la difficulté pour un dircom tient moins à sa capacité à être recruté qu’à réussir son intégration en montrant vite qu’il/elle est la personne idoine mais sans pour autant trop bousculer un patrimoine culturel et des jeux de pouvoir qui sous-tendent préalablement le travail des équipes.

Le livre restitue bien cette complexité parfois schizophrénique de la fonction de directeur de la communication. D’un côté, il est très vite évalué sur les dossiers qu’il impulse et les rapports qu’il tisse avec ses nouveaux collègues. De l’autre, il est également vite catalogué en fonction de ces mêmes dossiers. D’où une extrême difficulté à se mouvoir pour prouver qu’on sert à quelque chose mais sans jamais trop heurter les sensibilités, les baronnies et les us et coutumes de l’organisation. En cela, l’ouvrage d’Assaël Adary et Jean-Jacques Salomon fournit un intéressant tableau synoptique des points capitaux qu’il faut traiter pour convaincre, rassurer et … durer !

Loin d’être un livre de recettes infaillibles, le livre est utilement complété par des témoignages terrain de 16 directeurs de la communication actuellement en fonction ou ayant occupé ce poste durant plusieurs années. Bien qu’ils soient d’horizons et de cultures divers, leurs récits montrent que le poste de dircom est probablement l’un des plus aléatoires à tenir. Autant un directeur financier ou un directeur des ressources humaines opère dans un cadre relativement balisé, autant la communication est objet de tous les regards. Dans l’entreprise, chacun se prévaut de savoir et connaître ce métier même s’il n’en a ni les compétences requises, ni la pratique régulière. Dans ces circonstances, le dircom est décortiqué et le moindre geste commenté en positif ou en négatif.

Ce que j’ai moins aimé

100 - GabsLe livre aurait gagné à être moins touffu. Dans certains chapitres, les questions se multiplient tellement qu’on perd de vue la substantifique réponse et le conseil précieux à garder en tête à tout moment. Ce côté un peu décousu se retrouve dans l’accumulation de plusieurs niveaux de lecture : l’analyse proprement dite d’un point à laquelle sont adjoints le témoignage d’un(e) dircom, des citations de ces mêmes dircoms et un entretien à bâtons rompus entre les deux auteurs. Du coup, la lecture devient parfois un peu difficile tant les réflexions foisonnent en tous sens.

Un autre point ressort également. Il n’est pas du fait des auteurs mais plutôt de certains témoins qui sont restés trop frileusement dans le politiquement correct. Il est vrai qu’il est particulièrement délicat de témoigner lorsqu’on est en poste et que tout propos tenu peut être sujet à des interprétations pas toujours amicales (notamment en interne !). Il n’en demeure pas moins que cela laisse le lecteur un peu sur sa faim. On devine entre les lignes certaines déviances que les dircoms doivent régulièrement affronter dans leur mission mais rarement le propos met les pieds dans le plat. Cela serait pourtant salutaire de dire haut et fort certaines pratiques inadmissibles. C’est d’ailleurs peut-être l’élément un peu regrettable du livre. Les témoignages sont relativement courts. A mon sens, cela aurait mérité d’étoffer un peu plus les parcours des uns et des autres au lieu de focaliser sur un point spécifique censé illustrer la notion abordée pour chaque chapitre.

Enfin, la dimension Web et communication digitale est un peu trop prestement réduite à la portion congrue alors qu’il s’agit aujourd’hui du challenge sans nul doute le plus fondamental pour la fonction de directeur de la communication. Un challenge qui n’est pas seulement technique et éditorial mais aussi managérial et culturel où le dircom se retrouve en première ligne face à des dirigeants pas toujours bien disposés à entendre certaines vérités et certaines tendances inexorables, ni à accepter que le tout-contrôlant n’est plus de mise, y compris pour la communication. Or, dans les 100 jours qui suivent la prise de poste, le dossier de la stratégie de communication sur le Web social n’est pas le moindre.

On achète ou pas ?

Oui malgré les points critiques relevés. D’abord parce qu’il n’y quasiment eu aucun livre sur ce sujet ô combien capital de la prise de fonction d’un dircom (à part les manuels roboratifs à la sauce Ikea). En 2010, l’agence Weber Shandwick avait certes déjà diffusé un document similaire intitulé « Les 100 premiers jours d’un dircom » mais il s’agissait essentiellement d’une collection d’astuces et de mantras dont un dircom peut s’inspirer pour réussir ses premiers pas. Là, le livre se propose d’aller un cran plus loin en allant regarder au-delà des bonnes intentions et des bons tuyaux éternellement professés.

En refermant le livre, il n’y évidemment pas de martingale, ni de recette magique mais un tissu de réflexions fort précieuses pour ne pas commettre les impairs les plus classiques. Ensuite, il appartient vraiment à chacun de savoir aussi se fier à son expérience, son intuition et sa capacité à nouer avec les réseaux bienveillants de l’organisation. Plus que toute autre fonction de l’entreprise, la direction de la communication est éminemment subjective. C’est ce qui en fait son attractivité, sa richesse et son utilité mais c’est aussi source de jalousie, de manœuvres politiciennes, de luttes stériles d’egos mal placés. S’il est un point à ne pas perdre de vue après la lecture, c’est bien celui-là !

*Pour que les choses soient dites en toute transparence, ma chronique n’est absolument pas conditionnée par le fait que j’ai accepté d’être l’un des témoins sollicités dans ce livre. Il me semblait important de le préciser !

Le pitch de l’éditeur

Assaël Adary et Jean-Jacques Salomon – « Les 100 premier jours d’un(e) dircom – Sprint ou marathon ? » – Editions du Palio – mars 2014 – 192 pages – 21,50 €

Les dircoms en conviennent : les stratégies de communication les plus subtiles et les campagnes publicitaires les mieux planifiées échouent quand elles ne sont pas relayées par les bons réseaux. Lancer des opérations structurées, cohérentes, budgétées, ne suffit pas. La dimension humaine est décisive : pour réussir, le dircom doit avoir établi sa légitimité et inspirer la confiance. C’est donc aussi une affaire de temps.
Ce temps souhaitable de maturation, le dircom qui prend ses fonctions en dispose-t-il ? Peut-il se permettre d’attendre d’avoir évalué son équipe et tissé sa toile avant de faire des propositions ? Ne risque-t-il pas d’être marginalisé s’il ne s’engage pas de façon visible dès les premiers mois ? Et s’il décide de foncer, comment faire les bons choix, comment éviter les pièges et les erreurs ?
Pour répondre à ces questions, les auteurs ont demandé à des directeurs de la communication de raconter les 100 premiers jours suivant leur nomination. Qu’ils s’installent dans une fonction déjà légitime ou qu’ils soient recrutés en situation de crise, la plupart ont ressenti le même sentiment d’urgence. Du nouveau dircom, on attend beaucoup et vite.
Concilier le temps court de ces attentes avec le temps long de la planification stratégique est au cœur de la difficulté, mais aussi du plaisir, de la fonction. « Les 100 premiers jours d’un(e) dircom » passent en revue les multiples façons d’y parvenir.

Les auteurs

100 - AA JJSAprès des études de philosophie et un magistère au CELSA, où il rencontre son futur associé, Assaël Adary a fondé en 1995 le cabinet d’études Occurrence, spécialisé dans l’évaluation des actions de communication. Auteur de plusieurs ouvrages consacrés à la communication et à la responsabilité sociétale, Assaël Adary enseigne dans diverses grandes écoles et universités.

Polytechnicien, Jean-Jacques Salomon a travaillé successivement dans la banque, le marketing direct et l’informatique. Il est aujourd’hui éditeur et essayiste.

Occurrence s’est associé à Communication & Entreprise et à son Réseau des Dircoms pour la publication de cet ouvrage..



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