Coronavirus : Et si la communication savait parfois s’imposer une nécessaire prophylaxie ?

Depuis le début du confinement décrété par le gouvernement, je ne compte plus les tribunes et les courriels de communicants qui pullulent et appellent à encore plus de communication et de marques qui emboîtent le pas tous azimuts. Mais pour quoi et pour qui au juste ? Pour continuer à faire tourner sa petite boutique d’épicier toujours prompt à transformer une crise en un juteux business ? Pour aider celles et ceux qui œuvrent en première ligne sur le front de la pandémie ? Pour décrocher sa petite minute de gloire au bûcher des vanités ? Révisons les priorités, s’il vous plaît !

Entendons-nous bien par avance ! L’objet de ce billet n’est pas d’entrer dans une stérile et inopportune polémique autour d’un trop-plein ou d’un pas assez de communication réalisée autour du Covid-19, des messages sanitaires et des injonctions gouvernementales. La situation est bien trop grave pour qu’on aille gaspiller son énergie et son temps à de telles considérations. Il y aura toujours matière, lorsque la crise sera vraiment derrière nous, à tirer des enseignements et tracer la liste des « dos and dont’s » que cette pandémie hors normes n’aura pas manqué de générer. En l’état actuel des choses, la réponse est pour l’instant non-discutable : il est impératif de poursuivre les efforts d’information, de sensibilisation et même de sanctions. Mais ailleurs et notamment chez les communicants professionnels ?

La vraie matière à communiquer ne manque pas

Aujourd’hui, il circule trop de fake news venant polluer la compréhension d’un phénomène si complexe et si évolutif que le coronavirus qu’il serait criminel de laisser le terrain de l’expression (et surtout de la désinformation) à tous les psychopathes contestataires et conspirationnistes qui se repaissent des peurs pour tenter de faire exister leurs vils desseins tordus. De même, il y a encore trop de personnes laxistes à l’égard des recommandations officielles, notamment parmi les plus jeunes qui s’estiment immunisés (donc pas concernés), les plus nantis qui font de l’exode prophylactique en résidence secondaire et les plus bornés qui ont décidé qu’une dictature s’établissait en France parce qu’un confinement est appliqué et qu’il faut désobéir et faire l’inverse. Sur ces aspects et d’autres encore, la communication doit perdurer et tout contributeur (citoyen, marque, entreprise, association) est bienvenue pour endiguer ce que l’Organisation Mondiale de la Santé a qualifié d’infodémie le mois dernier.

Les professionnels de la communication devraient précisément, chacun à leur niveau et dans la mesure de leurs moyens, participer à cet effort de guerre de communication. La matière ne manque pas comme par exemple expliquer encore et encore aux plus jeunes que si le Covid-19 les frappe moins dans leurs poumons, il se sert en revanche largement d’eux comme porteurs sains et propagateurs potentiels auprès de personnes plus faibles immunitairement. Autre défi de communication : refréner les ardeurs égoïstes des urbains qui se réfugient à la campagne, en montagne ou au bord de la mer. Il est encore temps de marteler à ceux-ci que les régions du Latium et des Pouilles en Italie voient leurs taux de contamination s’envoler à cause de gens issus de la Lombardie confinée mais qui ont cru intelligent de fuir ailleurs en pensant que le virus ne suive pas. Bref, ce ne sont pas les sujets qui manquent pour que la communication soit un bras armé utile et impactant dans cette lutte sans merci que mènent d’innombrables personnes (santé mais aussi police, commerces essentiels, transporteurs, producteurs alimentaires, etc) dans des conditions souvent aléatoires.

Les marchands du temple sont encore là

Pourtant, je grince des dents lorsque je lis et je vois des professionnels de la communication prêcher pour leur petite paroisse et se saisir obséquieusement du thème du coronavirus, pour continuer à faire leur retape de bonimenteur, l’air de ne pas y toucher. Je ne citerai nominativement personne car l’objectif de ce billet n’est pas d’établir un échafaud public (qui suis-je après tout ?). Néanmoins, je m’effare de lire par exemple cette déclaration d’un patron issu du marketing d’influence : « Forcés de rester chez eux, les gens ont plus de temps de s’informer et il y a fort à parier que le temps quotidien passé à scruter les réseaux sociaux ces prochaines semaines, par rapport à la normale, ait doublé. C’est bel et bien le moment de communiquer sur les réseaux ». En d’autres termes et pour reprendre la célèbre phrase de l’ancien PDG de TF1, Patrick Le Lay (qui vient tout juste de nous quitter), utilisons « le temps de cerveau disponible » pour continuer à fourguer notre quincaillerie, y compris et surtout celle dont on peut se dispenser dans ces temps de crise sanitaire.

Et c’est vrai que des marques y succombent en plus. Tout récemment, j’ai reçu à plusieurs reprises des offres commerciales canon émanant d’un loueur de voiture. Un truc de malade à vouloir louer un parking entier et avaler des kilomètres de bitume tant le tarif est alléchant. Mais, wait, wait, wait ! Ne sommes-nous pas censés réduire au maximum nos déplacements et dans le strict cadre prévu par le décret du 16 mars 2020 ? Et ces anecdotes sont loin d’être les seules et surtout pas des vues de l’esprit. D’ailleurs, même Amazon (pourtant pas précisément une boîte animée d’un grand esprit humaniste et philanthropique) vient d’annoncer qu’il allait d’abord concentrer ses efforts de distribution sur les achats de matériel médical et les produits de première nécessité. Le reste des livraisons sera suspendu ou largement reporté afin de pallier aux choses les plus importantes.

Hygiène de la communication

Si les communicants veulent vraiment se rendre utiles pour « réinventer et repenser leur approche globale parce que confinés mais inspirés » (comme l’annone hypocritement une agence de communication parisienne pour aller vendre sa salade et gratter du budget), il y a des pistes mais à condition de revoir son hygiène de communication. Côté agences notamment, pourquoi ne pas inciter et conseiller les clients de soutenir (concrètement et pas avec des effets de manche trop heureux de l’aubaine) des besoins comme la fabrication de masques, de gels hydroalcooliques et d’autres services et produits indispensables pour enrayer la pandémie. Au lieu de s’ingénier à leur vendre des opérations d’emailing déplacées (ou autre !) dont personne n’a que faire, avec en plus des contenus capillotractés pour les relier au sujet du moment qu’est le coronavirus.

Au passage, c’est peut-être aussi l’occasion en or de faire de cette fameuse « raison d’être » (qu’agences et communicants tripotent dans tous les sens tout en peinant à faire accoucher le truc) un passage à l’action concrète comme LVMH, L’Oréal, Arkema (et d’autres encore) qui ont modifié des lignes de production dans leurs usines pour faire du gel hydroalcoolique. Avec un peu de créativité expurgée des considérations mercantiles et pseudo-bienveillantes, il est sûrement plus que possible que la communication devienne un atout de plus pour mobiliser, informer et contribuer. Sans oublier de valoriser ponctuellement les acteurs du quotidien comme l’ont remarquablement bien fait les enseignes Intermarché et Netto en remerciant publiquement tous leurs salariés, partenaires et fournisseurs pour les vastes efforts consentis (loin d’être finis) durant cette période viciée de coronavirus.

Et toi Cimelière, tu fais quoi ?

A la lecture de ces lignes, d’aucuns vont sûrement me rétorquer ironiquement : et toi, Cimelière ? Tu fais quoi à part ouvrir ta gueule ? Alors, je répondrai simplement ceci. Depuis que le coronavirus a explosé en France dans des proportions inédites, je me suis d’abord replié et j’ai arrêté les analyses à chaud sur la communication. Parce que j’ai justement le sentiment que face aux circonstances exceptionnelles que nous vivons, la priorité n’est plus à l’analyse sémantique au pied levé du discours du président de la République (même s’il y a bien des choses à dire) et les petites pantomimes égotiques des uns et des autres. Et encore moins à s’esbaudir sur des sujets périphériques de communication.

Pour celles et ceux qui le peuvent, notre rôle de communicant est d’aider, de partager et d’amplifier les contenus à valeur ajoutée sur la pandémie à l’œuvre, voire de mettre ses compétences au service d’une entité qui en a besoin. A mon modeste niveau, c’est d’ailleurs pour cela que je retweete essentiellement des contenus liées à l’avancée du Covid-19, aux annonces qui s’enchaînent et aussi des blagues et des instants d’humanité (car on en a tous bien besoin pour encaisser les semaines à venir). Je me suis aussi plus centré dans la lutte contre ces infoxs vérolées qui constituent un terrible challenge pour nous tous. Les personnes qui lisent régulièrement ce blog savent que les fake news constituent une métastase informationnelle terrible et encore plus prégnante et gravissime en temps de pandémie. Faisons connaître le travail d’AFP Factuel, Les Décodeurs du Monde, Check-News de Libération et d’autres sources de cet acabit.

Raison de plus pour focaliser mes efforts actuels sur ce sujet et de relayer de tout ce qui être pertinent de connaître. A cet égard, j’encourage vivement chacun à suivre le cycle de webinars quotidiens initié par Cision France qui démarre dès lundi 23 mars (plus d’infos sur le programme en cliquant sur ce lien). Avec des titres comme « Bonnes et mauvaises pratiques des médias » ou encore « Communication utile ou opportuniste : où est la frontière ? » (et les experts qui vont bien en plus), voilà qui devrait utilement donner du grain à moudre pour une meilleure prophylaxie de la communication.