[Note de lecture] : « Communication de crise » de Thierry Libaert
Dans l’abondante littérature professionnelle consacrée à la communication, il n’est pas si aisé de trouver des livres captivants, enrichissants et dignes de figurer au premier rang de sa bibliothèque. C’est pourtant le cas avec le dernier ouvrage publié par Thierry Libaert, expert en communication des organisations qu’on ne présente plus. Dans cet opus, il dresse un panorama absolument exhaustif de la communication de crise à l’heure où les parties prenantes ont fait des réseaux sociaux un terrain de jeu qui remet en question certains fondamentaux.
Avant d’évoquer plus en détails les points forts de l’ouvrage, je tiens à préciser que je connais Thierry Libaert et apprécie son haut degré d’expertise sur les questions de communication. Pour autant, les lignes qui vont suivre ne sont ni un flagorneur papier de commande, ni un renvoi d’ascenseur au nom de je ne sais quelle connivence. J’écris ce préambule car une des particularités des médias sociaux est d’avoir engraissé des régiments de conspirationnistes de tout poil qui suspectent en permanence les uns les autres de collusions inavouées en balançant des pauvres captures d’écran et des spéculations gratuites (et souvent très mal informées) pour raconter et « dénoncer » des pseudos petits arrangements. Qu’on soit donc clair ! Si je n’avais pas trouvé le travail de Thierry Libaert d’une grande valeur (ainsi que les diverses contributions qu’il a recueillies), je n’aurais pas rédigé ce billet. A tous les « no life » qui défèquent à longueur de temps des supputations hallucinées et au final hilarantes (tant le delirium tremens affleure), l’opinion partagée ci-après ne relève d’aucun grand complot mais juste d’une sincère estime pour le panorama de la communication de crise que Thierry Libaert a réalisé !
La crise sous toutes ses coutures
Beaucoup de livres ont déjà été édités sur le sujet de la communication de crise. En revanche, peu d’entre eux ont su allier la pédagogie (sans se noyer dans le babil conceptuel universitaire) et le pragmatisme (là où d’autres continuent de vendre des solutions de crise clés en main, ce qui n’existe pas). Même si elle obéit à certains mécanismes profonds récurrents et systémiques, la communication de crise est paradoxalement comme la fameuse toile de Pénélope sans cesse remise sur l’ouvrage. Tout simplement parce que de multiples dimensions interviennent dans l’éclatement d’une crise avec des variables d’intensité différentes d’un cas à l’autre. C’est d’ailleurs ce que pointe particulièrement bien le chapitre 1 qui s’attarde sur les principaux concepts autour de la crise. L’opinion publique et les médias ont souvent tendance à confondre la crise et son élément déclencheur comme une seule et même chose. Ce qui est une erreur d’interprétation. La crise est une sédimentation plus ou moins longue et plus ou moins complexe selon les domaines concernés. L’élément déclencheur n’est juste que l’étincelle qui fait se révéler la crise.
Une fois la crise déclarée (si elle n’a pas pu être résorbée auparavant grâce aux signaux faibles), l’organisation est en effet un pilier capital. Mais attention de ne pas verser exclusivement dans l’organigramme de cellule de crise, le répertoire téléphonique et les arbres décisionnels. Ce sont des outils que décrit le livre de Thierry Libaert. Mais ils ne doivent pas occulter ce qui constitue probablement le nœud le plus sensible de toute crise : l’humain ! A cet égard, l’auteur recommande d’effectuer régulièrement des simulations, de travailler l’anticipation et de faire des médiatrainings. Sans cet entraînement de fond, une cellule de crise peut vite être déstabilisée et activatrice malgré elle d’éléments de crise supplémentaires.
Les stratégies et les publics ciblés sont également très bien documentés dans ce livre. Il n’y a pas de recette miracle pour gérer et résorber une crise. Là encore, il convient de s’interroger sur les éléments contextuels et d’avoir une connaissance fine de l’écosystème des parties prenantes qui sont à l’œuvre. La tonalité des messages est certes majeure mais elle risque de tourner à vide si elle n’est pas nourrie d’arguments concrets à destination de publics prioritaires et concernés par la crise. Sur ce point, le chapitre 6 qui traite de la communication d’acceptabilité est remarquable d’intérêt et de pertinence. Les points détaillés invitent le communicant lecteur à sortir des visions binaires et verticales dans lesquelles se réfugient encore fréquemment des organisations sous tension. Thierry Libaert incite plutôt à adopter une communication agile faite de présence terrain mais aussi d’alliances et d’acceptation de certains faits plutôt que le déni.
Le livre s’achève sur des domaines où la communication de crise est particulièrement éruptive, notamment la communication publique (c’est-à-dire celle des collectivités locales et territoriales) et la communication politique (gouvernance de l’Etat et ses différentes entités). Ce sont en effet des domaines qui requièrent sans doute un doigté encore plus précis tant la pression médiatique mais également le poids incontournable des médias sociaux agissent rapidement comme des miroirs déformants dans un climat de défiance à l’égard des institutions. Au final, l’ouvrage de Thierry Libaert est une passionnante odyssée dans l’univers de la communication de crise qui sera tout autant utile aux jeunes communicants confrontés à leurs premières crises qu’aux professionnels chevronnés qui verront qu’un traitement de crise ne relève pas de la même potion systématique et des ficelles un peu trop lénifiantes que certains consultants vendent à prix d’or !
Le pitch
Depuis l’émergence des réseaux sociaux, tout événement non maîtrisé est susceptible de devenir une crise. Cependant, tout en restant omniprésente, le domaine d’étude des crises reste encore embryonnaire se contentant d’aborder un sujet qui la compose (gestion, communication, approches techniques…) plutôt que de la considérer dans son intégralité.
Connaître et identifier les différents types de crises, développer une culture d’anticipation, gérer la crise et l’après-crise sont les clés essentiels pour faire face à une crise en organisation. La communication de crise propose au lecteur de découvrir et de s’approprier ces clés dans ses aspects pratiques et théoriques.
Dans une démarche fortement pédagogique, l’ouvrage accompagne le lecteur pas à pas pour l’aider à maîtriser et mettre en place les principes en vue d’entrevoir une sortie de crise de manière positive.
Grâce à la direction de Thierry Libaert le projet bénéficie à la fois de l’expertise universitaire, par son expérience de l’enseignement renforcée par la présence de Nicolas Baygert, Bernard Motulsky et Nicolas Vanderbiest; mais également de l’expertise professionnelle, que l’on retrouve à travers le témoignage de nombreux professionnels tout au long de l’ouvrage, ainsi que tout un chapitre rédigé par Mathias Vicherat.
Auteur : Thierry Libaert avec la collaboration de Nicolas Baygert, Bernard Motulsky, Nicolas Vanderbiest, Mathias Vicherat
Editeur : Pearson France
Date de parution : Juin 2018
Nombre de pages : 272
Disponible en format papier et numérique
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Pour en savoir plus sur l’auteur
Thierry Libaert est un expert français en communication des organisations. Titulaire d’un doctorat en sciences de l’information et de la communication (université de Louvain), il a enseigné à l’Institut d’Études Politiques de Paris (1999-2013) et à l’université catholique de Louvain (2008-2014), qui lui a décerné le titre de collaborateur scientifique en 2015. Il est actuellement conseiller au Comité Économique et Social Européen et membre du conseil scientifique de la Fondation pour la Nature et l’Homme (anciennement Fondation Nicolas Hulot).
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