#Paris2024 : Une communication digitale qui pourrait aller plus haut, plus loin, plus fort !

Depuis le 25 septembre, le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et ses partenaires institutionnels ont lancé une opération de communication en ligne pour mobiliser la population autour de la candidature de Paris pour l’obtention des Jeux Olympiques de 2024. Pierre angulaire du dispositif et baptisé « Je rêve des jeux », un site de collecte de fonds pour financer en partie le dossier parisien, propose diverses actions pour que chacun apporte son obole. Si le concept participatif retenu est pertinent, l’ensemble présente quelques lacunes pour espérer insuffler un engagement plus soutenu. Analyse et suggestions.

Le compte à rebours est désormais enclenché jusqu’au 15 septembre 2017, date à laquelle les 102 membres du Comité international olympique (CIO) voteront pour désigner la ville hôte des J.O. de 2024. Cinq villes sont officiellement en lice pour tenter de convaincre les électeurs du CIO mais aussi de mobiliser leurs pays respectifs et de susciter un élan populaire et médiatique : Los Angeles, Hambourg, Rome, Budapest et Paris. Pour boucler le budget global du dossier de candidature fixé à 60 millions d’euros dont 50% est déjà assuré par les collectivités territoriales, l‘équipe de campagne « Ambition olympique et paralympique » a imaginé une action de « crowdfunding » via un site Web dédié et un slogan : « Je rêve des jeux ». Une bonne idée ?

Du crowdfunding pour mobiliser et soutenir le dossier

Je reve - homepageS’il est un reproche qu’on ne pourra pas formuler aux porteurs du projet olympique tricolore, c’est bien celui d’avoir osé concevoir un dispositif de communication digitale original. En s’appuyant sur un site de collecte de fonds permettant à n’importe quel citoyen français de témoigner de son soutien financier à la candidature Paris 2024, l’équipe de campagne de l’association « Ambition olympique et paralympique » a pris une longueur d’avance en matière de Web social sur ses quatre rivales. Aucune de celles-ci ne propose effectivement d’aller aussi loin dans l’implication des citoyens qui en échange d’un don minimal de 2 euros reçoivent un bracelet aux couleurs de « Je rêve des jeux ». Président du CNOSF, Denis Masseglia est enthousiaste (1) : « Ce qu’on a envie de dire aux Français, c’est rejoignez-nous ! Les sportifs font rêver les gens, aujourd’hui, ils souhaitent les mobiliser. C’est pour cela que nous avons souhaité un slogan qui permettra à tout le monde de s’emparer du projet ».

Je reve - Dusautoir braceletA cet égard, le site est riche en possibilités d’exprimer son soutien à la candidature de la capitale. Outre le bracelet brodé par ailleurs en vente dans des magasins de sport et des associations sportives, l’internaute peut également inscrire son nom sur le « mur digital des contributeurs » contre 20,24 €, intégrer le cercle privilégié de 2024 donateurs ayant déboursé 2024 € ou encore participer à des enchères en ligne pour gagner des maillots de sportifs et autres objets. A l’heure où était publié ce billet, le compteur du site affichait 447 000 euros récoltés par rapport aux 30 millions qu’il reste à trouver pour équilibrer le budget de la candidature. Denis Masseglia souligne d’ailleurs (2) : « Lorsque nous avions réalisé l’étude d’opportunités, un sondage montrait que 40% des Français étaient prêts à s’investir personnellement ». Ceux qui ont déjà donné, disposent de surcroît d’un espace sur le site pour mettre en avant leur support via une photo avec leur bracelet.

Lorsqu’on fait un tour des autres dispositifs numériques mis sur pied par les 4 autres villes concurrentes, on est d’ailleurs dérouté par l’approche plutôt minimaliste et très classique. La palme du plus raté revient sans conteste à Budapest au design Web tout droit issu des années 2000 et une présence sociale réduite à une page YouTube et 3 vidéos ! Rome et Los Angeles ont des sites visuellement soignés avec des comptes Facebook, Twitter, Instagram mais au final très peu d’opportunités d’échanges avec les internautes. Même si la page Facebook de Rome enregistre plus de 25 000 fans, l’engagement demeure relativement modeste du fait de contenus très basiques et pas forcément stimulants. Pour Hambourg en revanche, l’approche digitale se veut résolument informative du fait que la candidature de la ville sera soumise à un référendum public le 29 novembre prochain pour savoir la cité allemande poursuit l’aventure ou stoppe tout.

Et la conversation digitale, b….. !

Je reve - hub des solutionsMême si Paris est au-dessus du lot grâce à une volonté d’interaction affichée par rapport aux autres sites Web des villes en lice pour les J.O. de 2024, l’expérience utilisateur peine quelque peu à convaincre au final. Hormis les enchères renouvelées toutes les semaines, le site n’incite pas forcément à revenir régulièrement, la faute à une absence de stratégie de contenus éditorialisés. Le site constitue pourtant une porte d’entrée importante qui aurait pu s’accompagner d’un blog intégré ou d’un espace spécifique qui auraient expliqué en détails le projet parisien, la ventilation des estimations budgétaires et les retombées attendues. De même, pourquoi arrêter l’opération de collecte fin décembre ? Il y a encore deux années pleines avant le choix final du CIO. C’est d’autant plus regrettable qu’un sondage CSA de février 2015 (3) indiquait une adhésion des Français à hauteur de 73%. Avec un engouement accru chez les Franciliens (76%) et chez les jeunes (88% chez les 18-24 ans).

Dès lors, pourquoi ne pas capitaliser plus sur ce potentiel avec une stratégie digitale plus offensive en termes de contenus et d’incitation à l’action et à la conversation digitale ? Sur ce registre, les initiatives Web de la COP21, événement mondial s’il en est qui se tient à Paris du 30 novembre au 11 décembre, pourraient être dupliquées et adaptées pour le dossier de candidature parisien. En effet, la conférence sur le climat propose des sites participatifs extrêmement riches où les internautes sont vraiment actifs. Côté culturel par exemple, le site collaboratif ARTCOP21 permet aux artistes de faire connaître leurs créations autour du thème du climat et du monde de demain et même d’enregistrer leurs événements sur l’agenda du site. Dans un registre plus environnemental et concret, le Hub des Solutions Climatiques permet aux entreprises, collectivités, associations ou même particuliers de déposer des idées pour l’amélioration du climat dans divers domaines.

Je reve - 4686045_web-crible-jo-2Cette recherche d’un engagement plus profond pour la candidature de Paris est loin d’être superfétatoire. Bien que les sondages soient pour le moment favorables, les questions abondent sur la rentabilité d’un tel événement sportif. Beaucoup de gens gardent encore en mémoire le coût astronomique des J.O de Londres de 2012 et les retombées économiques moindres qu’attendues. Aujourd’hui, le comité gérant le dossier parisien estime le coût des J.O à 6 milliards d’euros mais le chiffre est déjà contesté par certains experts. Or, dans un contexte sociétal et économique où la dépense publique est scrutée de tous, il y a nécessité d’expliquer, d’associer plus la population et même d’écouter ce que celle-ci pourrait proposer. Ceci est d’autant plus crucial qu’un autre gros projet existe pour Paris avec l’Exposition France de 2025 où d’aucuns se demandent si les deux dossiers sont compatibles à la mise à la diète des deniers publics.

Le ludique ne fait pas tout

S’il est incontestablement ludique par son graphisme, le site « Je rêve des jeux » se loupe malgré tout en matière de gestion de communautés. Par exemple, il ne renvoie pas à la page Facebook de France Olympique qui relaie pourtant les actions du site et qui compte par ailleurs pas moins de 228 600 fans, ni à son fil Twitter qui revendique 84 000 abonnés.

Je reve - logosLes incohérences en termes de synergies communautaires se retrouvent pareillement le site de la Ville de Paris qui ne met pas suffisamment en avant le site « Je rêve des Jeux » alors que la cité est la première concernée ! Enfin, la multiplication des hashtags autour de la candidature (#JeReveDesJeux, #Paris2024, #JO2024) n’aide pas forcément à entretenir une viralisation cohérente et inciter les Français à donner a minima 2 € pour soutenir le dossier olympique. La visibilité s’en trouve de fait amoindrie par cette dispersion digitale.

Enfin, un ultime point d’amélioration concerne la valorisation des contributeurs qui ne doit pas tourner uniquement autour des sportifs. Si ces derniers sont de toute évidence d’indispensables porte-drapeaux et apportent un surcroît de notoriété à l’opération en ligne, l’internaute qui contribue apprécie également d’être reconnu et mis en avant. Actuellement, le mur digital des contributeurs du site se contente de mentionner les noms des personnes ayant déboursé 20,24 € pour y figurer. Un peu chiche alors qu’ajouter des portraits de ces mêmes personnes serait autrement plus motivant, surtout à l’ère des «selfies » !

Le Web social comme atout supplémentaire

Je reve -social-mediaIl reste à espérer que le site « Je rêve des Jeux » ne sera pas une opération sans prolongation et que le plan de communication digitale prévoit d’entretenir la flamme populaire durant les 24 mois qui séparent du verdict final. Même si les Jeux Olympiques constituent un événement extraordinaire en lui-même, ils sont (et le seront encore plus dans le futur) de moins en moins l’apanage d’une volonté politique et sportive. Pour cet objectif olympique de 2024, c’est précisément le manque de soutien populaire qui a conduit Boston à se retirer fin juillet 2015 de la liste des villes prétendantes. Pour autant, le sentiment et l’implication d’une population peut également évoluer grâce à une stratégie de communication bien ciblée. Tokyo en sait quelque chose. La capitale japonaise accueillera l’édition 2020. Pourtant, son acte de candidature initial n’avait recueilli au départ l’assentiment de seulement 47% des Japonais (4). Deux ans plus tard et une victoire à la clé, ce chiffre est passé à 92%.

L’apport des médias sociaux est désormais un critère fondamental. A cet égard, il conviendrait de cibler en particulier les jeunes générations qui verront et vivront les Jeux si jamais Paris devient l’élue du CIO pour 2024. Consultant international dans le domaine du sport et observateur chevronné du mouvement olympique, Armand de Rendinger a participé de près à plusieurs candidatures de villes pour l’organisation des Jeux Olympiques. A ses yeux, l’influence et la crédibilité du projet Paris 2024 passe aussi par la capacité à agréger les énergies populaires, et notamment les jeunes très investis dans le Web social (5) : « Il est révolu le temps où c’est la génération actuelle au pouvoir qui va expliquer aux jeunes d’aujourd’hui ce que seront les JO de 2024. Ce sont ces-derniers qui doivent concevoir comment ils verront les JO qu’ils veulent vivre dans une dizaine d’années. C’est une approche beaucoup plus mobilisatrice que celle consistant à expliciter d’en haut sous le prétexte que pouvoir et hiérarchie valent obligatoirement savoir-faire et innovation. Là aussi, nous risquons de continuer à alimenter dans le sport la redoutable contestation entre nos élites (« les fameux responsables en costume gris ») et la population ». L’innovation amorcée avec cette collecte de fonds en ligne doit véritablement se poursuivre avec une approche Web collaborative et plus seulement faire tweeter des stars des différentes disciplines olympiques.

Sources

– (1) – Sandrine Lefèvre – « C’est le moment de se mobiliser pour Paris 2024 » – Le Parisien – 25 septembre 2015
– (2) – Ibid.
– (3) – Jérémie Cazaux – « JO 2024 : la France fait office de poids lourd » – Libération – 16 septembre 2015
– (4) –Sandrine Lefèvre – « Seul Hambourg organisera un référendum » – Le Parisien – 25 septembre 2015
– (5) – « Armand de Rendinger : « Le pire serait d’ignorer l’influence grandissante du Web social pour les JO 2024» – Le Blog du Communicant – 12 mars 2015

Pour aller plus loin

– « Evènements sportifs : ne faites pas que les organiser, activez les ! » – Global SportsJobs.fr – 20 août 2015
– Vincent Chaudel – « JO 2024 : pour que le rêve devienne réalité » – Observatoire du sport business – 14 octobre 2015
– Philippe Isola – « Décryptage de la communication social média de la COP 21 » – Pellerin Formation – 6 octobre 2015



2 commentaires sur “#Paris2024 : Une communication digitale qui pourrait aller plus haut, plus loin, plus fort !

  1. CHAMPIN Laurie  - 

    Bravo pour votre analyse juste et trés pertinente.Je la partage. Observatrice attentive de l’évolution de la candidature derrière laquelle je suis trés mobilisée,je cherche sans y atteindre, les clefs de la stratégie digitale existante .Il semblerait à ce jour que cette stratégie n’existe pas d’ou une absence de cohésion, voire de compréhension entre les actions de com mises en oeuvre. C’est d’autant plus dommâge qu’individuellement replacées dans leur contexte et agenda, ces actions sont bonnes. Je ressens qu’en l’absence d’une stratégie digitale globale à l’échéance de Lima en septembre 2017, une course de haies de déroule en fonction de l’agenda 20/20 et de la procédure de candidature édictés par le CIO. On prend les grandes dates de l’agenda et on les illustre, les unes après les autres,d’une vague événementielle et d’un message communicationnel de circonstance capables de satisfaire momentanément aux exigences de communication et objectifs. Et ainsi de suite…comme autant de temps forts du calendrier. Prochain RV, la soirée de ventes au enchères de décembre 2015. De mon point de vue à ce jour, les actions individuelles isolées sur les réseaux sociaux, faute d’absence de contenus éditoriaux, de blog dédié et de lien « push »entre elles qui, comme vous l’expliquez, boosterait l’audience, risquent très vite de s’essouffler,voire re retomber comme un soufflé au fromage. Bien sûr, il faut rechercher une com digitale participative dont les acteurs, outre les sportifs ambassadeurs , seraient les Parisiens. Anne Hidalgo conduit en ce moment même une initiative participative qui rencontre l’adhésion des Français sur le sujet de Paris. Une couse contre la montre s’engage et Paris doit remettre sa copie en février 2017. Il est plus qu’urgent d’auditer l’existant, de l’enrichir et le propulser dans une stratégie digitale globale cohérente, partagée et participative à destination des Parisiens et de la jeunesse.
    Les manques et lacunes mis en exergue dans votre analyse me conforte dans la réflexion que je conduis sur le sujet depuis bientôt 2 ans. Je suis par ailleurs convaincue que le digital a un très grand rôle à jouer dans la conduite du projet de Paris2024 et son issue. Pour terminer je dirai encore que l’approche olympique et géostratégique d’Armand de Rendinger, si je ne la partage pas toujours, à le mérite de s’appuyer sur des fondamentaux qui posent les vraies questions de demain, adossée à une excellente connaissance et expérience reconnues.
    Salutations amicales
    Laurie CHAMPIN

    1. Olivier Cimelière  - 

      Merci Laurie pour ce commentaire très complet ! Je partage l’essentiel de vos remarques. Même si je ne suis pas un spécialiste du marketing sportif, je déplore en effet les initiatives çà et là (souvent pour des questions de rivalités politiques et/ou d’egos) … On disperse les efforts au lieu de concentrer le tir, faire monter la mobilisation et montrer que les J.O sont un vrai projet attendu par Paris et la France !!! A suivre donc puisque parait-il un M. Digital vient d’être recruté par @Paris2024 !

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