Etude Visibrain Bad Buzz 2016 : Fréquence stable des crises digitales mais aggravation des impacts

C’est peu de dire que le nouvel opus du rapport annuel de Visibrain sur les bad buzz de 2016 était attendu. Ceci d’autant plus qu’il est le fruit d’un partenariat avec Nicolas Vanderbiest, chercheur à l’Université catholique de Louvain sur les crises digitales et surtout l’un des experts les plus pointus en matière d’analyse des phénomènes d’influence et de manipulation sur les médias sociaux. A la lumière des résultats dévoilés mardi 17 janvier à Paris, le bad buzz est dorénavant un phénomène intrinsèque de la communication digitale. Il y prend même sa source là où il y a encore quelques années, il constituait d’abord l’amplification d’une crise ayant démarré offline. Tour d’horizon des points clés à intégrer par les communicants en 2017.

Si les crises digitales ont paradoxalement légèrement reculé en termes d’occurrence (104 en 2016 contre 109 en 2015) pour revenir au niveau de 2014 (104 également), leur niveau de gravité s’est en revanche nettement accru. En 2016, le nombre de crises graves a augmenté de 3 points par rapport à 2015. « Mais attention à ne pas tout mélanger et amalgamer une petite agitation de quelques heures sur Twitter avec une crise qui rebondit, s’agrandit et s’étale dans le temps » prévient d’emblée Nicolas Vanderbiest, et d’ajouter dans la foulée : « Récemment, une agence de communication française prétend avoir dénombré plus de 900 bad buzz en 2016, soit quasiment 3 par jour. C’est totalement irréaliste et méconnaître ce qui fonde vraiment une crise digitale ».

Quels critères pour parler de crise digitale ?

NVB - Couverture Rapport VisibrainL’expert universitaire belge est sans ambages sur ce qui caractérise vraiment une crise digitale. Le premier critère est que la crise doit atteindre le stade de la reprise et de la diffusion par la presse en ligne puis par les médias plus traditionnels. Nombre de pseudos bad buzz éclatent en effet régulièrement sur les réseaux sociaux mais sans jamais franchir le seuil critique de la médiatisation. Ils restent confinés au sein d’une poignée d’internautes et disparaissent généralement aussi vite qu’ils ont flambé. En revanche, lorsqu’un journaliste s’empare d’un événement crisique en formation sur les réseaux sociaux, le registre change radicalement. Ceci d’autant plus que les journalistes sont de plus en plus nombreux à recourir au Web social pour trouver des sujets qui vont alimenter leurs propres pages comme le démontre la récente étude de Cision sur la presse et l’utilisation des réseaux sociaux.

Ensuite, Nicolas Vanderbiest considère qu’un bad buzz est véritablement effectif lorsqu’il s’attaque à une organisation, une marque ou même une figure publique et que les réseaux sociaux cristallisent de façon avéré et durable sur le point qui pose problème. D’où le recensement de 104 crises digitales pour l’année 2016 soit malgré tout 2 par semaine. Une fréquence pas si négligeable et en totale corrélation avec l’essor constant des réseaux sociaux et l’omniprésence des smartphones et des applications mobiles de ces mêmes réseaux sociaux. Aujourd’hui, un consommateur mécontent d’un magasin n’ira plus forcément discuter avec le responsable mais préférera photographier ou raconter l’objet du contentieux et le relayer sur Twitter, Facebook et consorts pour informer sa communauté. A cet égard, 2016 confirme que l’origine des crises est majoritairement issue des réseaux sociaux (67% des cas contre 56% en 2015), Twitter et Facebook étant les deux canaux privilégies pour exprimer un mécontentement, avec respectivement 52% et 35%. Suivent ensuite les blogs (10%) et YouTube (3%).

Quels thèmes et quelles cibles ?

NVB - departementsEn 2016 et dans la continuité des années précédentes, deux thèmes dominent largement dans les discussions critiques des socionautes : le nationalisme (39%) et le sexisme (20%). Pour le premier, l’observation n’est malheureusement guère surprenante. Elle reflète les peurs et les crispations identitaires qui traversent le pays depuis un certain nombre d’années. Elle montre aussi que ce qu’on appelle communément la « fachosphère » et la « patriosphère » sont redoutablement bien organisées sur les médias sociaux pour faire entendre leur voix même si proportionnellement les activistes et sympathisants liés à ces communautés ne sont pas si nombreux. Ils sont en revanche très mobilisés et très prompts à réagir pour créer des polémiques.

Il en est de même pour le sujet du sexisme pour lequel les mouvements féministes sont à l’affût des moindres dérapages d’autant plus que les marques persistent pour nombre d’entre elles à véhiculer des codes où la femme est objet sexuel pour vendre un produit.

En termes de secteurs d’activités les plus régulièrement attaqués, ce sont les médias eux-mêmes qui subissent le plus de retours de bâtons de la part des communautés en ligne. Entre titres excessivement racoleurs pour générer du clic à tout prix (clickbait), des sondages controversés sur des sujets sensibles comme l’immigration, le viol et aux formulations pas franchement habiles, voire des opérations spéciales qui virent au fiasco comme celle de TF1 et grand-mère Yollande durant l’Euro 2016, les volées de bois vert se ramassent à la pelle. Par ailleurs, les médias et leurs contenus sont scrutés à la loupe. L’exemple le plus flagrant est sans conteste l’émission de Cyril Hanouna, Touche pas à mon Poste, qui clive fortement entre les fans épris d’humour gras et provocateur et ceux qui ne goûtent guère les dérapages multiples du bouffon de C8 et ses acolytes. Même la longue grève de la rédaction d’iTélés a connu une intense activité sur les réseaux sociaux. Les grévistes ont d’ailleurs parfaitement su capter le soutien populaire en créant un compte Twitter pour la circonstance. Hormis les médias, les marques grand public sont également fréquemment exposées à des bad buzz. Mais plus surprenant, la cause de ces crises provient à 98% de l’entreprise elle-même à cause d’un produit défaillant, d’une tonalité de message peu adaptée ou irrespectueuse, voire des fautes de goût comme CDiscount qui vendait une table spéciale sodomie et une console de jeux décorée d’une croix gammée !

Quels enseignements à retenir pour 2017 ?

NVB - 7 enseignements pour 2017Le bad buzz n’est plus un épiphénomène contingenté aux accrocs de la connexion digitale. Les crises en ligne de 2016 montrent clairement que leur impact se répercute dorénavant bien au-delà de certains microcosmes numériques. Avec parfois des signes de ralliement qui perdurent dans le temps comme le hashtag #DieselGate apparu avec le scandale Volkswagen et sa triche informatique aux émissions polluantes de ses moteurs diesel. Aujourd’hui, le même hashtag est repris pour les crises qui frappent à leur tour Fiat-Chrystel, Renault et maintenant Citroën sous le coup d’investigations et de suspicions similaires. Du coup, ce hashtag devient une véritable mine d’informations qui permet de retracer dans le temps les épisodes majeurs liés à un sujet.
Autre point qui émerge aux yeux de Nicolas Vanderbiest : l’utilisation croissante du faux. Soit pour provoquer des dommages envers une marque comme le coffret de jeux Fisher Price proposant un mini-bar pour enfants alcooliques, soit pour mobiliser des consciences comme le fameux cas de Louise Delage, un personnage fictif éthylique créé dans le cadre d’une campagne contre les abus d’alcool. Au total, Visibrain et Nicolas Vanderbiest identifient 7 foyers ultra-sensibles où la réputation d’une entreprise, d’une marque ou d’une personnalité peut être fortement mise à mal. L’un d’entre eux concerne les employés. 2016 a par exemple vu le footballeur du PSG, Serge Aurier insulter en direct sur Periscope son entraîneur, des employés de SFR se filmer pour critiquer vertement des clients ou encore un salarié de Kellogg’s assouvissant un besoin pressant dans des céréales fabriquées dans l’usine.

Plus que jamais, cela suppose que les organisations prennent enfin la veille digitale comme un axe stratégique essentiel de leur plan de communication. Ceci afin d’être en mesure de détecter en temps réel les bad buzz qui pourraient affecter l’image d’un produit, voire les signaux faibles annonciateurs de potentielles polémiques. Trop souvent, la veille est avant tout perçu comme une machine à pondre des data pour mesurer dans tous les sens la portée et la visibilité d’une stratégie éditoriale. C’est un aspect en effet utile mais se mettre en posture de repérer des pièges à réputation et d’être capable de réagir rapidement avant que n’enfle le bad buzz devient aujourd’hui incontournable.

Pour en savoir plus

– Pour télécharger l’intégralité du rapport Visibrain – Bad Buzz – Rétrospective 2016, cliquez sur ce lien
– Pour lire les analyses et les publications régulières du blog de Nicolas Vanderbiest, cliquez sur ce lien 
– Pour découvrir les fonctionnalités de la plateforme de veille Web Visibrain, cliquez sur ce lien

NVB - visibrain-infographie-badbuz-2016



6 commentaires sur “Etude Visibrain Bad Buzz 2016 : Fréquence stable des crises digitales mais aggravation des impacts

  1. Clemence  - 

    Bonjour !
    Je vois que la plupart des exemples du rapport sont des exemples francais ou de marques francaises, mais pas que, aussi je voulais en savoir un peu plus sur la methodologie. Est-ce que les chiffres et la recherche en general sont bases sur le marche francais uniquement ? Ou s’agit-il d’une etude globale ?
    Enfin, a tout hasard, existe-t-il une version du livre blanc en anglais?
    Merci d’avance et bravo pour ce rapport tres interessant.

  2. Salah  - 

    « Il y prend même sa source là où il y a encore quelques années, il constituait d’abord l’amplification d’une crise ayant démarré offline. » ==> Oui! Dommage l’astroturfing n’ait pas été abordé dans votre article, ne serait ce que brièvement dans le contexte de ce passage.

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