GUEST : Les nouvelles « parties prenantes » gagnent en pouvoir. Quel impact pour la RSE ?

Durant ces deux dernières années, des projets majeurs d’oléoducs et d’extraction minière dans le monde entier ont été stoppés net dans leur élan. Dans le même temps, des géants de l’alimentaire et de la distribution ont dû réviser leurs salaires minimum et leur façon de sélectionner leurs fournisseurs. Bien que les marchés soient toujours instables, ce n’est pas la globalisation économique qui est à blâmer. Ces coups d’arrêt, ces revirements et ces concessions sont entièrement le résultat de la pression et des exigences exercées par une nouvelle catégorie d’acteurs puissants et hyper-connectés : les « Super Parties Prenantes » (baptisées en anglais Superstakeholders).

Le billet qui va suivre émane de Tom Liacas qui l’a d’abord publié en anglais sur son blog que je conseille, Social Disruptions. Ami personnel mais également et surtout expert canadien avéré de l’activisme et de l’influence en ligne, Tom a connu les deux côtés de la barrière si j’ose dire. Il a d’abord été lui-même un activiste en ligne convaincu, luttant pied à pied contre des multinationales sur des sujets environnementaux. A force d’observer les erreurs répétitives et les entêtements patentés de ces entreprises, Tom a fait évoluer sa réflexion et conseille désormais de grands noms du Fortune 500 mais toujours avec l’idée de promouvoir un dialogue actif, concret et pas des effets de manche ou des concessions a minima pour calmer des oppositions digitalisées. D’autant plus qu’apparaît aujourd’hui une catégorie d’acteurs redoutables pour la réputation des sociétés et leurs stratégies RSE : les #SuperStakeHolders ». Voici la suite expliquée par Tom Liacas.

L’avènement des « Super Parties Prenantes »

Liacas Tom - forrespect-orgD’un point de vue institutionnel, les parties prenantes ne sont pas un phénomène nouveau. Les entreprises ont depuis un certain temps pris l’habitude d’écouter et d’engager avec leurs « parties prenantes externes » bien que cela se fasse à des rythmes différents selon les unes et les autres. Les parties tierces souvent appelées « parties prenantes » englobent souvent les organisations non-gouvernementales (ONG) et les groupes d’intérêts qui prennent position sur différents sujets économiques comme le social, l’environnement ou encore les droits de l’Homme.

Mais la donne est en train de changer avec l’émergence rapide de nouveaux mouvements sociaux sur une large palette de sujets sensibles qui se recoupent avec les pratiques économiques. Ce changement est particulièrement palpable lorsque les ONG et les groupes d’intérêt s’alignent avec ces mouvements sociaux globaux en croissance. Ce couplage génère des synergies qui transforment les parties prenantes traditionnelles en « Super Parties Prenantes » pour des raisons que nous allons évoquer ci-dessous.

Les plus visibles de ces associations de nouvelles « Super Parties Prenantes » ont notamment vu le jour là où l’opposition à l’industrie gazière et pétrolière va de pair avec le changement climatique mais aussi quand les mouvements syndicaux font écho à des luttes plus globales contre l’inégalité sociale ou encore quand les campagnes contre des projets miniers sont alimentées par des mouvements internationaux opposés à toute nouvelle extraction en règle générale.

Déjà des victoires probantes à leur palmarès

Liacas Tom - Best Buy GreenpeaceRécemment, une série de victoires surprise appuyées par des ONG et des groupes activistes indique que ces « Super Parties Prenantes »pèsent désormais suffisamment de poids pour faire plier les plus grandes multinationales selon leur volonté. Si l’on remonte seulement jusqu’à 2013, la liste de leurs succès sur des intérêts entrepreneuriaux englobe déjà :

La question qui se pose maintenant est de savoir d’où ces « Super Parties Prenantes » tirent leur force. La réponse est brève : par les mêmes forces culturelles qui rendent des mouvements sociaux plus forts. Or aujourd’hui, ces forces sont totalement associées à la façon dont nous-mêmes établissons des liens et communiquons et au final, intégrées à notre « société en réseau ».

Génétiquement connectés et influents

Liacas Tom - CostOfMiningConflict-1024x664Avec ses barrières technologiques considérablement abaissées et la facilité à créer des relations transnationales, la société en réseau est devenue autant une aubaine pour la finance mondialisée que pour ceux qui cherchent à initier le changement social. Avec tous les bénéfices que la société en réseau leur confère, les nouvelles « Super Parties Prenantes » sont maintenant capables de :

  • Mobiliser en un instant et au-delà des frontières et bâtir des partenariats globaux
  • S’autofinancer durablement grâce au crowdfunding et constituer rapidement des ressources sur une large échelle
  • S’appuyer sur le pouvoir collectif de leurs supporters pour impacter une réputation d’entreprise

Etant donné leur pouvoir, les « Super Parties Prenantes » agissent différemment des parties prenantes traditionnelles lorsqu’il s’agit de se confronter à des sociétés. Par exemple, elles arrivent à la table des négociations avec des revendications précises et pas uniquement avec le simple désir d’être entendus. Elles vont également exercer des pressions partout où elles le peuvent avant d’ouvrir le dialogue. Enfin, parce qu’elles s’adressent à un large public qui inclut aussi leurs membres et leurs alliés, elles cherchent à obtenir des victoires et pas seulement des concessions ou des compromis de la part de leurs cibles.
Avec la montée en puissance des mouvements sociaux à travers le monde, particulièrement au sujet du changement climatique et des ingalités, les « Super Parties Prenantes » sont non seulement parties pour durer mais également pour grossir en puissance et en nombre.

Je serais en tout cas très intéressé de connaître le point de ceux qui sont à l’intérieur de l’entreprise concernant ce nouvel équilibre des pouvoirs et la façon dont il affecte la pratique de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) qui a servi jusque-là de pont entre le monde de l’entreprise et les préoccupations sociales et environnementales du public. Etant donné le fait que les « Super Parties Prenantes » exigent bien plus que des changements graduels et volontaires dans le comportement des entreprises, est-ce que la RSE peut encore véritablement fonctionner dans ce contexte ? Si ce n’est plus le cas, comment ces mêmes entreprises envisagent-elles de faire face à un niveau d’exigence si élevé ?

Pour suivre l’actualité de Tom Liacas, lisez son blog Social Disruptions, son #SuperStakeHolders sur son fil Twitter et ses contributions pour The Guardian et Mashable



Laisser un commentaire


Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.


Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.