Le Web social est une disruption irrévocable. Et si on arrêtait enfin d’avoir peur ?

C’est une litote de dire que les médias sociaux ont bouleversé en une dizaine d’années les modes d’interaction humains, économiques, politiques et plus généralement sociétaux. Et par la même occasion, la façon dont une réputation se forme ou se déforme. Pourtant, même si plus personne (ou presque) ne songe à remettre en cause l’influence d’un Facebook (l’équivalent de 80% en moyenne des contenus partagés par les internautes), nombreux sont encore ceux qui tentent de mettre le pied sur la pédale de frein ou de simplement se contenter de dupliquer en version digitale, les outils de communication qu’ils ont toujours eu l’habitude d’utiliser et surtout de contrôler par peur du changement des paradigmes communicationnels. C’est pourtant cette même peur qu’il faut surmonter pour ne pas rester à quai et perdre définitivement toute influence en termes de réputation et de perception.

C’est sans doute ce premier point qui constitue la toute première disruption introduite par ces réseaux numériques où chacun peut désormais prendre la parole comme il l’entend, à n’importe quel moment et avec parfois une vitesse de propagation qui défie les lois du temps médiatique traditionnel. On l’a d’ailleurs bien vérifié lors des dramatiques attentats de Paris en janvier 2015 avec la petite bannière « Je suis Charlie » créée par un anonyme directeur artistique. Elle fut diffusée en quelques heures sur Twitter plus de 3,4 millions de fois à travers le monde entier. Cette exclusivité de la parole longtemps détenue par les dirigeants, les institutionnels, les experts, les intellectuels et plus ou moins organisée par les médias classiques, a désormais volé en éclats. Chaque semaine qui passe, ne cesse de fournir des preuves que la marque ou l’entreprise ne détient plus ni le monopole de la parole, ni même le contrôle de son image.

Le rapport de force a changé

ReputationRiskVotre part de voix peut certes continuer à compter mais plus forcément avec le même impact et dans un environnement où il faut se faire voir, entendre, comprendre et convaincre pour susciter la confiance de votre écosystème. Là réside tout l’enjeu communicant d’aujourd’hui et des années proches à venir pour les dirigeants et leurs stratèges en communication. Comme le résume si bien le PDG d’Amazon, Jeff Bezos : « Votre marque est ce que les gens disent de vous lorsque vous n’êtes pas dans la pièce » ! Et en plus, tout le monde peut potentiellement le savoir et le diffuser à son tour.

Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que plus de 300 dirigeants d’entreprises basés en Amérique du Nord et Latine, en Europe, en Asie Pacifique et au Moyen-Orient Afrique interrogé sur les risques majeurs attenant à leur activité en 2014 par les cabinets Forbes Insights et Deloitte ont répondu à 87% la réputation. Le traditionnel schéma relationnel où les médias classiques étaient les principaux interlocuteurs, est maintenant en partie caduc. Aujourd’hui, l’entreprise et ses acteurs évoluent dans un univers où l’expression, l’opinion et l’information sont multidimensionnelles et désintermédiées. D’où une difficulté exacerbée à évaluer les tendances et les sentiments de la société dans cet enchevêtrement de prises de parole très diverses mais potentiellement très impactantes pour la réputation de l’entreprise.

Communicants, l’esquive n’est plus possible

AB - Train Cab ViewCette disruption sociétale concerne absolument tout le monde. A commencer par les salariés eux-mêmes. Longtemps parent pauvre de la communication d’entreprise, la communication interne devient actuellement plus que jamais un levier stratégique. Il est illusoire de croire que vos collaborateurs vont uniquement se contenter de la parole interne et/ou de la véhiculer ensuite béatement. Celle-ci continue bien sûr de compter fortement mais elle est mise en perspective, voire challengée, par ce que ces derniers lisent, disent et écoutent auprès d’autres parties prenantes. Il est désormais nécessaire d’associer les collaborateurs de manière plus collaborative à l’animation de la réputation de l’entreprise. A condition que les choses soient faites avec honnêteté, valeur ajoutée et cohérence, ceux-ci constituent des ambassadeurs importants.

La SNCF a par exemple laissé des cheminots ouvrir des blogs parlant de leur métier et des engins qu’ils conduisent. Leur ton est parfois critique mais aussi capable de défendre leur entreprise lorsqu’ils l’estiment injustement mise en cause. Autre exemple qui montre que même les organisations réputées les plus muettes savent prendre le pouls de leur époque : celui de l’Armée de Terre. En septembre 2015, deux soldats français en mission militaire au Mali décident de pousser la chansonnette pour raconter leur quotidien pas toujours glamour où l’ennui dispute à la dureté des conditions de vie. Postée sur YouTube, la ritournelle vidéo fait un véritable carton au point d’atteindre les 2 millions de vus et faire l’objet de nombreux articles de presse. En d’autres temps, la hiérarchie de la « Grande Muette » aurait probablement sévi en censurant la vidéo et punissant les 2 soldats. La réaction a pourtant été tout autre  : « Il n’y a strictement aucun problème avec cette vidéo dans la mesure où l’armée n’est pas mise en cause et qu’aucun détail opérationnel n’a été divulgué. On l’a même trouvée très bien. ». Une posture intelligente qui profite de surcroît à l’image même de l’armée. En laissant s’exprimer spontanément des membres de ses troupes au sol, elle modifie la perception d’une structure où l’expression libre était auparavant proscrite ou supposée comme telle.

La désintermédiation est en marche

AB - desintermediation digitale 2Il est vrai qu’une telle posture est une mini-révolution dans des systèmes managériaux encore très épris de hiérarchie étanche et de circuits de validation stricts. Pourtant, qu’on le veuille ou non, ce sont ces schémas relationnels qui vont progressivement s’imposer dans la vie des entreprises. De même pour les journalistes. Pendant longtemps, ils ont été en effet les interlocuteurs quasi uniques des organisations et des dirigeants lorsque ceux-ci avaient quelque chose à communiquer largement. L’irruption des médias sociaux a généré une désintermédiation qui a au début pris de court bon nombre de journalistes habitués depuis des années à être en somme les porte-paroles de la société civile.

Aujourd’hui, plus personne n’attend qu’on lui tende un micro s’il veut s’exprimer ou faire connaitre une cause ou défendre un projet. C’est ainsi que sont apparus ces fameux influenceurs, avec d’abord des blogueurs reconnus pour leur liberté de ton et leur expertise puis dans la foulée des Youtubeurs comme la jeune EnJoyPhenix dont les vidéos sont nettement plus vues et crues que les articles des magazines féminins ayant pignon sur rue. Les journalistes eux-mêmes ont maintenant embrayé. Les réseaux sociaux, Twitter en tête, sont devenus des sources d’information et d’idées de sujet autant que le fil AFP, le sommaire du Parisien du jour ou ceux des chaînes info (voir à ce sujet l’infographie synthèse de l’étude Cision publiée en septembre 2015).

Le « multi » et le « co » donnent le tempo !

AB - collaboration multiL’information est clairement devenue multi-dimensionnelle et même, osons le terme, collaborative dans certains cas. Le vénérable New York Times s’appuie par exemple sur une « social newsroom » qui source et vérifie des contributeurs pour étoffer et élargir les analyses de ses propres reportages. Et pour la réputation des marques et des organisations, c’est un enjeu quasi identique qu’il convient de relever. Fini le communiqué de presse « à la papa » qu’on envoie en masse dans les messageries électroniques des journalistes. Ce sont désormais la qualité de l’écoute et de la relation entre les uns et les autres qu’une réputation se forgera et évoluera dans le temps.

Dans ce vaste remue-ménage communicationnel qui certes peut donner un peu le vertige, il y a pourtant beaucoup d’opportunités à prendre pied, à comprendre qui s’exprime, quels sont les sujets du moment et comment l’entreprise peut-elle aussi apporter sa vision, ses connaissances, ses convictions, etc. Le web social n’est pas une révolution mortifère pour la communication des organisations. Ils sont au contraire l’occasion d’améliorer la conversation avec les publics et de mieux préserver sa réputation en acceptant d’être plus ouvert, plus disponible, parfois critiqué mais au final mieux accepté. Au final, c’est la performance et l’évolutivité de l’organisation et de ses activités qui y gagnent. Ceci n’est pas une vue de l’esprit. Des marques comme Lego ou Ford, etc peuvent en témoigner.



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