Communication Monoprix vs Amazon Go : Rira bien qui rira le dernier ?
Il fallait bien un buzz pour clore l’année 2016 sur les médias sociaux. Monoprix s’y est essayé en pastichant dans une vidéo Amazon qui teste actuellement à Seattle un concept de supermarché physique sans caisse où l’intelligence artificielle est au cœur du fonctionnement du magasin. Si la vidéo fait esquisser un sourire sur le coup, peut-on y voir une tactique de communication vraiment inspirée et au cœur des enjeux véritables ? Réflexion critique.
L’idée peut apparaître délirante (d’autant qu’Amazon n’en est pas à sa première fois en matière d’annonces décalées comme par exemple, la livraison de colis par drones). Pourtant, elle vient de prendre forme à Seattle, berceau du géant du commerce électronique mondial avec l’ouverture d’un supermarché baptisé Amazon Go. Pour y accéder, il suffit de se créer un compte Amazon, télécharger l’application Amazon Go sur son mobile et se rendre au magasin pour faire ses courses et acheter ses produits sans devoir transiter par la caisse. Bourrée de capteurs électroniques, d’algorithmes et d’intelligence artificielle, cette boutique révolutionnaire analyse en temps réel les actes d’achat et facture les paniers virtuels sans faire perdre de temps aux badauds. Actuellement testé par des employés, le magasin devrait ouvrir ses portes début 2017. En attendant, Amazon Go a réussi à susciter le buzz avec une vidéo … et se voir tacler sarcastiquement par un distributeur potentiellement concurrent : Monoprix. Initiative pertinente de ce dernier ?
La mythologie techno d’Amazon à fond
Après le lancement de Fresh et de Premium, Amazon n’en finit pas de bousculer les règles établies du commerce et de la distribution. Dans la vidéo éditée pour la circonstance, le commentaire est sans ambages sur les intentions d’Amazon (1) : « Pas de files d’attente, pas de règlement, pas de caisse ! Il y a quatre ans, nous avons commencé à nous demander à quoi ressembleraient les courses si on pouvait juste attraper ce qu’on voulait et partir ». Autrement dit, il s’agit d’emblée de positionner Amazon à l’avant-garde d’un secteur où l’entreprise n’a pas encore véritablement pris pied : le commerce physique de détail et de proximité. Tout cela grâce à son innovation technologique au service du consommateur. Certes, l’enseigne électronique avait bien ouvert une libraire en dur au début de 2016 à Seattle également. Mais le projet est pour l’instant demeuré à l’état de coup d’essai hormis quelques pop-up stores additionnels dans des centres commerciaux.
Il n’en demeure pas moins qu’avec Amazon Go, la société présidée par l’emblématique Jeff Bezos envoie un signal fort au monde de la grande distribution. Au-delà de l’aspect technologique qui promeut le magasin intelligent, l’enseigne américaine appuie sur des arguments bien concrets où l’innovation a jusqu’à présent été relativement limitée : le temps d’attente aux caisses (même si des caisses automatiques existent déjà depuis quelques années) et plus généralement la corvée fastidieuse d’arpenter les rayons qui changent régulièrement de place avant de devoir se taper une queue d’enfer aux heures de pointe. Avec Amazon Go, tout semble plus fluide. Aux oubliettes l’angoisse de la caisse qui s’engorge de monde ! Dans cette vidéo, on retrouve le côté « mythologique » d’Amazon où la technologie vient systématiquement faciliter la vie quotidienne d’un coup de baguette magique.
Monoprix : « Même pas peur » !
Même si le film est probablement un brin rêveur et enluminé, il n’en vient pas moins titiller une corde sensible pour tout distributeur : l’expérience client en magasins. Cette dernière est de plus en plus complexe à appréhender d’autant que le chaland compare en permanence les prix et les offres sur son smartphone, commande sur Internet pour retirer en magasin ou inversement sélectionne ses produits en rayons pour se les faire déposer à domicile. Avec l’irruption du digital dans le commerce, le casse-tête n’en finit pas d’ajouter des critères sans cesse nouveaux. De ce point de vue-là, la vidéo promotionnelle d’Amazon Go est une réussite. Elle parvient à accrocher l’attention sur un sujet qui n’excite pas forcément les foules de prime abord : pousser son chariot dans une grande surface !
Pourtant, l’enseigne française Monoprix a choisi de répliquer au projet d’Amazon par la parodie. Quelques jours plus tard, Monoprix a édité à son tour une vidéo reprenant en partie celle d’Amazon tout en y insérant des slogans maison mettant en avant l’aspect humain des magasins Monoprix et la livraison à domicile, le tout soutenu par un commentaire off en anglais mais à l’accent délicieusement « frenchy », histoire sûrement de viraliser le film de l’autre côté de l’Atlantique et montrer que « même pas peur ! » face à Amazon et ses visions de shopper technologique ! Certains ont apprécié l’humour du distributeur français comme le site techno Numérama ou même le site américain Quartz qui n’hésite pas à écrire que l’intelligence humaine est l’arme secrète de Monoprix.
Et si Monoprix se trompait de débat ?
Le côté potache de la vidéo Monoprix est bien sûr gentillet et a su de surcroît créer le buzz entre deux réveillons festifs. Pour autant, cette communication moqueuse apporte-t-elle une valeur ajoutée indéniable en faveur de Monoprix face à un géant qui certes, n’a pas une réputation forcément magnifique mais qui dispose d’un niveau de service quasi imbattable à ce jour. La question n’est pas si futile d’autant plus que voir le monde de la distribution classique s’emparer de l’argument humain pour justifier sa différence d’avec Amazon, n’est pas forcément toujours de bon aloi. Peut-être chez Monoprix fait-il meilleur de travailler mais globalement, les grandes surfaces n’ont jamais été réputées pour leurs conditions de travail époustouflantes. Ensuite (et c’est sans doute la faille argumentaire la plus marquante), cette vidéo traduit finalement une certaine nervosité d’un des acteurs de la distribution physique avec la perspective d’une possible incursion d’Amazon dans un pré carré jusqu’alors dominé par quelques acteurs solidement implantés.
Se moquer de la digitalisation des magasins Amazon Go est une chose mais encore faut-il avoir fait également soi-même ses preuves dans ce domaine. Or, en ce qui concerne Monoprix, il y a encore du chemin à accomplir si l’on en juge selon les derniers résultats du Digital IQ Index Retail Europe 2016 réalisé en décembre par L2, un cabinet américain spécialisé dans la business intelligence. Cet index détermine le degré de «compétence digitale» d’un distributeur parmi 58 marques européennes en passant au crible 4 grands critères: leurs sites et plateformes e-commerce, leur stratégie de marketing digital, leur présence sur les réseaux sociaux, et leur stratégie mobile. Des Français figurent en effet dans le Top 10 avec FNAC qui décroche la 1ère place, Darty qui se situe 6ème et enfin Carrefour et Auchan qui ferment la marche des 10 plus innovants. Monoprix n’apparaît que plus loin de ce classement qui fait référence dans la profession.
Communiquer, c’est aussi parler concret à son public
Pourtant, lors de sa prise de fonction en août dernier comme président de Monoprix (venu de chez Darty justement où il était directeur général), Régis Schultz ne faisait pas mystère des enjeux fondamentaux qui attendent l’enseigne française. Dans une interview édifiante accordée aux Echos, il déclare tout de go (2) : « Quand je suis arrivé chez Darty, certains ne voyaient pas l’e-commerce comme une menace. Pourtant dans l’électrodomestique, les ventes sur Internet représentent plus de 15 % du marché. Je ne sais pas s’il en sera de même dans l’alimentaire, mais ce serait une grave erreur de ne pas faire comme si. J’observe par ailleurs que les initiatives d’Amazon à Paris et la multiplication des solutions de livraison sur le dernier kilomètre créent une offre que le consommateur ne va pas tarder à considérer comme usuelle. Idem pour le « click and collect ». Nous devons être flexibles pour répondre aux besoins des clients, plus réactifs, plus souples. C’est la raison pour laquelle je veux introduire un esprit start-up dans cette entreprise qui a plus de quatre-vingts ans ».
Miser sur la carte du gros méchant Américain (surtout lorsqu’il s’agit d’Amazon qui ne verse pas en effet précisément dans la tendresse) peut constituer sur l’instant une ficelle communicante marrante d’autant que la blague émane d’un Français et justifie ainsi le côté frondeur qui sommeille toujours en nous. Pour autant, que va vraiment retenir le consommateur une fois qu’il se sera esclaffé (ou pas) devant la vidéo de Monoprix ? N’attend-il pas plutôt que cette dernière puisse elle-même faire preuve d’innovations similaires où l’expérience client est réellement prise en compte et pas seulement du point de vue data avec les cartes de fidélisation et tutti quanti ?
Personnellement, je persiste à penser que ce genre de réplique vidéo relève plus du puéril anecdotique qu’une communication offensive et concrète faisant valoir un véritable savoir-faire au lieu de recourir au comique troupier et faire le fier-à-bras devant Amazon. Les libraires se souviennent encore douloureusement du syndrome du village gaulois certes sympathique mais peu tourné vers l’évolution qui aura lieu inéluctablement. Amazon Go ou pas ! Allez Monop’, Go !
Sources
(1) – Keren Lentschner – « Amazon lance un premier supermarché sans caisse aux États-Unis » – Le Figaro – 5 décembre 2016
(2) – Philippe Bertrand – « Régis Schultz : « Je veux introduire un esprit start-up chez Monoprix » – Les Echos – 26 août 2016
3 commentaires sur “Communication Monoprix vs Amazon Go : Rira bien qui rira le dernier ?”-
Pavot -
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Xavier des Horts -
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Olivier Cimelière -
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Des explications de Monoprix : http://lareclame.fr/rosapark-monoprix-parole-annonceur-florence-chaffiotte-167699?
Merci Xavier pour ce complément très intéressant émanant de Monoprix. A mes yeux, beaucoup d’autojustification qui témoigne de la peur qu’inspire Amazon. J’ose espérer que Monoprix a autre chose dans ses cartons que le côté « humain » (étant client par ailleurs, on pourrait en discuter !!!). Même si à titre perso, je préférerais voir Monoprix rester actif sur le marché et ne pas être « disrupté » par Amazon
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