Communication de crise & Incendie OVH : De l’importance d’avoir une solide réputation

Emblème incontournable de la French Tech, OVHCloud a dû essuyer de sérieuses avaries techniques sur son site d’hébergement de données situé à Strasbourg. Un premier incendie a ravagé le 10 mars une grand partie des installations avant que quelques jours plus tard, un deuxième ne provoque une nouvelle panique. Malgré l’ampleur des dégâts et des impacts pour les clients dont les infrastructures Web étaient hébergées sur le site détruit, la réputation de l’entreprise fondée par Octave Klaba n’a pas trop vacillé là où d’autres peineraient probablement plus à s’en remettre. Explications d’une gestion de crise rondement menée.

Il a suffi de la nuit du 9 au 10 mars pour que 3,6 millions de serveurs HTPP et 464 000 noms de domaines (1) soient rayés des écrans d’ordinateur. La cause ? Un gigantesque incendie au cœur des datacenters d’OVHCloud à Strasbourg. Les dommages sont considérables. La salle SBG2 est réduite en cendres. Jouxtant celle-ci, SBG1 dénombre quatre salles de serveurs détruites. Les autres (SBG3 et SBG4) ont été épargnées par les flammes mais aussitôt mises hors circuit pour éviter pour toute propagation supplémentaire. Malgré l’importante et rapide mobilisation des pompiers, le bilan est lourd et la crise commence.

Un agenda totalement chamboulé

Premier effet collatéral de ce brasier : entre 12000 et 16000 sites des clients sont en panne (2). Collectivités territoriales, structures hospitalières, médias, clubs sportifs, sites de commerce en ligne, personne n’est épargné quel que soit sa taille et son niveau de criticité. Avec pour certains, la perte irréversible des données relatives à leur activité. L’affaire tombe d’autant plus mal pour OVHCloud que deux jours auparavant, le fondateur d’OVH, Octave Klaba, vient de tweeter son intention d’entrer en bourse sur le marché Euronext. Il ne saurait y avoir pire agenda et très vite, les priorités sont alors revues. Exit temporairement les considérations boursières d’autant que très vite, les systèmes d’extinction d’incendie des locaux de Strasbourg sont critiqués pour leur non-existence.

Sur le front des experts financiers, les questions ne manquent pas d’affleurer. Et si cet incendie réduisait à néant les ambitions d’une des licornes françaises ? Associé chez Alpha Capital Partners, Marc Oiknine estime que (3) « OVHCloud doit rapidement apporter des réponses techniques suite à ce qui s’est passé pour éviter une perte de confiance sur le plan commercial. C’est un point clé ». Son confrère, Didier Raspaud, banquier conseil au sein de la banque d’affaires ABAC Partner se montre plus optimiste (4) : « Cet incident, même s’il est important, ne devrait pas empêcher OVHCloud d’entrer en bourse. Une fois de plus, OVH a réagi très vite. Mais aussi en toute transparence. Ce qui n’est pas le cas d’autres acteurs du secteur ».

Immédiateté et transparence

C’est effectivement peu de dire que la réactivité de la communication de l’entreprise a été à l’aune de la propagation foudroyante de l’incendie au cœur de ses installations. Le 11 mars à 18 heures précisément, Octave Klaba prend la parole sur Twitter dans une vidéo de 8 minutes au cours de laquelle, il retrace tous les faits saillants liés à la catastrophe tout en présentant ses excuses aux clients sévèrement handicapés dans leurs activités courantes. Il détaille également les mesures correctrices alternatives qui vont être immédiatement déployées pour les sauvegardes de données, les transferts d’hébergement temporaires et la fabrication de nouveaux serveurs.

Dans la foulée de la vidéo, le plan de redémarrage des centres de données et services d’OVHCloud de Strasbourg est dévoilé. Datacenter par datacenter, les interventions techniques sont détaillées. Le niveau d’information procuré va même jusqu’à publier la récupérabilité (ou pas) des données sauvegardées en fonction des contrats souscrits par les clients. Ces derniers font d’ailleurs l’objet de grandes attentions. Octave Klaba annonce à leur encontre d’ici 48 heures, des bilans personnalisés relatifs à leur situation propre.

Enfin, pour s’efforcer de maintenir la confiance malgré le désastre, la facturation est suspendue à la date de l’incendie pour tous les clients utilisant les services OVH implantés à Strasbourg. Avec en bonus : la possibilité de disposer des infrastructures alternatives gratuites sur d’autres centres de données du groupe OVH en France. Pour compléter le dispositif, l’entreprise a mis en ligne un site Web de questions-réponses à destination de ses clients qui les tient informés au fur et à mesure que la situation avance.

L’effet domino est enrayé

L’effort de précision et de transparence d’OVH est unanimement salué. Là où d’autres acteurs auraient peut-être tourné autour du pot ou fait preuve de manœuvres dilatoires, la pépite du cloud computing hexagonal est montée au front de la communication sans tergiverser. L’enjeu était énorme. Au-delà de la confiance avec ses clients actuels et du projet d’introduction en Bourse, OVH est un acteur industriel qui pèse sur le marché du cloud computing. Leader en Europe, la société nordiste joue également dans la cour des grands de ce monde où elle concurrence les offres de géants comme Amazon Web Services, Google Cloud ou encore Microsoft Azure. Elle est aussi la cheville ouvrière stratégique de la France pour disposer d’un cloud souverain moins exposé aux intrusions et aux dépendances étrangères.

La survenue de l’incendie du 10 mars (puis d’un second le 19, heureusement de moindre envergure) avait donc tout pour jeter soudainement le discrédit sur la réputation d’OVH. La réaction immédiate d’Octave Klaba a permis d’enrayer au mieux les lignes de fracture même si les mécontentements de clients se sont aussi fait entendre fortement (et on peut les comprendre tant la situation est handicapante pour eux). A ce jour, le fondateur continue d’ailleurs inlassablement de publier un post quotidien sur Twitter pour informer sur l’évolution de la reprise d’activité du site de Strasbourg alors même que les feux médiatiques se sont détournés depuis.

Photo : SDIS du Bas-Rhin

Des cibles diverses à rassurer

Directeur des opérations de Saper Vedere et expert des crises digitales, Nicolas Vanderbiest s’est penché sur le cas d’étude OVH pour observer les réactions engendrées par l’incendie du datacenter de Strasbourg et les points de polarisation qui en résultaient dans l’écosystème digital. Premier constat pour une marque comme OVH très connotée technologie aux contours abscons pour le grand public, les commentaires ont pourtant fusé sur tous les grands réseaux sociaux que sont LinkedIn, Twitter et Facebook, la palme revenant à ce dernier avec près de 142000 interactions (5).

Cependant, le constat qui ressort le plus à la lumière de cette crise, est l’hétérogénéité des cibles qu’il a fallu informer. Selon l’étude de Nicolas Vanderbiest, chaque réseau avait un profil de parties prenantes plutôt bien spécifié (6) : « Twitter : militants/politiques, gamers, et médias. Facebook : médias généralistes, clients touchés. LinkedIn : un public très corporate avec des sales managers, IT consultants et CEO ».

L’intervention rapide d’Octave Klaba ainsi que son souci à apporter à la fois des réponses mais aussi une humanisation auprès des clients touchés, a alors permis d’estomper fortement les remous d’une crise qui aurait pu être nettement plus dévastatrice en termes de réputation. Il ne s’agissait pas en effet d’un petit incendie de quelques armoires de serveurs mais d’une réelle faille affectant des dizaines de milliers de clients et jetant une ombre sur les capacités réelles d’OVH. Or là, la communication spontanée d’OVH a su capitaliser sur sa bonne réputation initiale pour déminer et expliquer sans ambages, y compris auprès des plus virulents.

Cartographie Saper Vedere

Une certaine pratique de la communication de crise

Une entreprise qui aurait eu une réputation nettement plus friable, n’aurait probablement pas vécu le même scénario. Ce n’est pas la première fois qu’OVH affronte des avatars techniques d’envergure. En novembre 2017, OVH avait déjà dû se coltiner une sévère loi de Murphy. A l’époque, il s’agit de deux des générateurs électriques principaux de l’entreprise qui rendent l’âme tandis que les alimentations de secours ne se déclenchent pas. La panne se prolonge et nombre de services dépendants des sites concernés sont interrompus comme les accès aux sites ou l’utilisation de la messagerie.

La réaction sur les réseaux sociaux fut aussitôt sardonique, oscillant entre critique acerbe et détournements humoristiques vaches. Pourtant, Octave Klaba ne se démontera pas. Une heure après, il se manifeste sur Twitter pour acter l’incident en cours et apporter des éléments d’explication. Bien qu’à l’époque les mots usités soient un peu trop jargonneux par endroits, sa présence incarnée est appréciée. Le fondateur répond aux critiques et renvoie le cas échéant vers un site questions-réponses dédié. Au final, il annoncera des améliorations pour que l’incident ne se reproduise plus.

Newsquest, client d’OVH, manifeste son soutien à … OVH

Le paradoxe d’une bonne réputation : reconnaître ses erreurs

La vie d’une entreprise, a fortiori dans le secteur technologique où les pannes et les dysfonctionnements rôdent en permanence, n’est pas un long fleuve tranquille où il suffit d’émettre de temps à autre de belles déclarations d’intention pour induire et cultiver la confiance. Cette dernière s’obtient aussi (et peut-être paradoxalement) dans la capacité à reconnaître une erreur, un accident, à être clair dans ses explications et à en retirer les enseignements nécessaires pour la fois d’après. C’est là où précisément, une communication rapide, sans chichis et droit au but permet de préserver le lien ébranlé avec les parties prenantes. C’est ce qu’OVH a très bien su faire suite à l’incendie de Strasbourg.

Et la preuve qu’OVH a su sauvegarder sa cote de confiance, est la récente et malencontreuse déclaration du ministre de l’Education nationale, Jean-Michel Blanquer. Le 6 avril dernier, écoliers, collégiens, lycéens et enseignants français étaient de retour derrière leurs écrans pour une première semaine de cours à distance. Malheureusement, les plateformes mises en place par l’éducation nationale ont rapidement rencontré des ratés avec impossibilité de se connecter et/ou de suivre les cours normalement. Interrogé par les médias sur ce plantage de surcroît déjà survenu en mars 2020, le ministre de tutelle a cru bon répondre sur France Info que ses services (7) « dépendent d’un opérateur privé – OVH Cloud – qui a eu un incendie à Strasbourg il y a quelques temps, et qui n’a pas pu faire face à l’afflux de connexions ce matin ».

Réplique immédiate du directeur général d’OVH, Michel Paulin, sur Twitter (8) : « OVHCloud n’est pas responsable des dysfonctionnements de certains services d’éducation à distance. Des régions ENT affectées et des applications indisponibles ne sont pas hébergées chez OVHCloud. L’incendie de Strasbourg n’a aucun lien avec ces derniers ». Les internautes ont alors aussitôt volé au secours d’OVH en moquant largement Jean-Michel Blanquer. Une réputation robuste, ça aide aussi !

Sources

– (1) – Paul Mutton – « 3.6 million websites taken offline after fire at OVH datacenters » – Netcraft – 10 mars 2021 –
– (2) – Antoine Crochet-Damais – « OVH : l’incendie va-t-il aussi réduire en cendres son IPO ? » – Le JDN – 16 mars 2021 –
– (3) – Ibid.
– (4) – Ibid.
– (5) – Nicolas Vanderbiest – « L’importance de l’analyse multicanale des réseaux sociaux. Le cas OVHCloud » – Reputatio Lab – 15 mars 2021
– (6) – Ibid.
– (7) – Florian Bayard – « Blanquer accuse OVH d’être responsable des bugs des cours à distance, l’hébergeur dément » – Phonandroid – 7 avril 2020
– (8) – Ibid.



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