Jusqu’où le mythe de la marque Apple peut-il être increvable ?

En dépit des commentaires sarcastiques qui pointent un manque d’innovation et des vidéos parodiques qui moquent les nouveaux iPhone 5c et 5S, les ventes des petits derniers d’Apple déjouent allègrement les prévisions des analyses et s’envolent à la hausse. Est-ce à dire que la magie de la marque Apple sera éternelle ? Petite prospective.

A chaque nouveau produit estampillé de la pomme, c’est toujours la même histoire. La webosphère et les médias bruissent de cancans fiévreux sur ce qu’Apple va dégainer de sa hotte à innovation. En attendant une hypothétique iTV et une promise iWatch, les baladeurs, les smartphones et les tablettes assurent le buzz sans faillir et mettent la communauté Apple en ébullition. Depuis la mort de Steve Jobs (et même un peu avant), les nouveautés de Cupertino se font pourtant joyeusement et plus souvent savater par les technophiles en mal de disruptions technologiques marquantes. Faut-il y voir les signes d’un déclin programmé ?

Entre pastiche de geek et critique acerbe

No limits pour les fans d'Apple !

No limits pour les fans d’Apple !

La sortie des iPhone 5c et 5s n’a pas échappé à une vague de sarcasmes à peine les objets tant attendus étaient-ils dévoilés lors de la conférence Apple du 10 septembre dernier. Très vite, des vidéos narquoises ont circulé sur Internet et les réseaux. La litanie des reproches est connue : innovation timide, succédané des précédents modèles, couleurs criardes déplaisantes, caméra peu performante, etc. Tout est décortiqué avec un humour grinçant, dépité ou carrément persifleur.

Il convient pourtant de relativiser cette bordée de reproches en tous genres qui a accompagné le lancement des deux nouveaux téléphones. Depuis les premiers modèles d’iPhone indéniablement disruptifs, Apple a certes proposé des évolutions et des déclinaisons plus plan-plan aux yeux de ceux qui ne jurent que par la « Next Big Thing » qui va révolutionner le tableau. Cela n’a cependant pas empêché les hits consécutifs. Ce fut notamment le cas de l’iPad à sa sortie. Aujourd’hui, c’est un succès qui ne se dément pas. Pourtant, nombreux étaient ceux à railler la tablette Apple en disant que ce n’était qu’un iPhone agrandi en concoctant des photos humoristiques de 4 iPhones scotchés les uns aux autres pour former un iPad.

Plus généralement, la critique est consubstantielle au microcosme geek et high-tech. Si vous n’êtes pas capable d’épater avec du jamais vu, alors vous aurez droit à votre cortège de blagues. C’est ainsi. Le public geek est « early adopter » et de ce fait ultra-exigeant sur l’innovation. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer actuellement le delirium tremens qui règne autour des Google Glass ! Pour autant, ce n’est pas gage d’échec commercial assuré si les geeks vous mordillent les mollets !

Le « Think different » fonctionne toujours

Une devise qui irrigue encore les gênes de la marque et des fans

Une devise qui irrigue encore les gênes de la marque et des fans

Même si Apple a désormais droit à quelques gifles satiriques, la marque conserve un magnétisme puissant. S’il s’est probablement un peu érodé depuis le décès du visionnaire hors pair qu’était Steve Jobs, Apple n’en demeure pas moins une marque à part où la génétique du « Think different » de son démiurge opère encore avec force. Etre fan d’Apple relève en effet d’une émotion quasi mystique. C’est appartenir à une communauté qui s’est toujours voulue de tout temps en rupture avec les systèmes technologiques dominants et établis que ce soit Microsoft auparavant dans les ordinateurs ou Android aujourd’hui dans les téléphones mobiles.

En possédant un produit siglé Apple, les « Applemaniacs » ont le sentiment d’intégrer une tribu à part, une caste qui s’écarte du commun des mortels aux appareils bien trop normatifs et à la créativité plus plate. Acheter Apple, c’est s’acheter en quelque sorte un statut unique à mi-chemin entre l’« early adopter » branché techno et l’anar bon teint. Ceux qui se détournent d’ailleurs de la marque aujourd’hui, pointent d’ailleurs tous comme grief principal, la banalisation des produits Apple (1)

Apple, marque indestructible ou mortelle ?

Certains commencent à s'agacer d'une innovation assoupie

Certains commencent à s’agacer d’une innovation assoupie

C’est un fait évident. Depuis que Tim Cook a pris les rênes d’Apple, la marque est quelque peu rentrée dans le rang bien qu’elle n’ait pas dit son dernier mot. Il suffit pour s’en convaincre de voir les spéculations enfiévrées autour de la très annoncée iWatch et de ce qui est pour l’instant encore un serpent de mer, l’iTV. Preuve en est que la marque possède encore une magie irrationnelle propre à happer les esprits des consommateurs et les fidéliser comme jamais.

Néanmoins, des craquelures sont à l’œuvre. Au-delà des objections appuyées sur le manque de souffle innovant des nouvelles productions de la pomme, d’autres signes se font jour depuis tout particulièrement la mort de Steve Jobs. Y compris au cœur de sa nation d’origine, Apple se fait de plus en plus bousculer et interpeler sur différents sujets sociétaux qui jettent un ombre sur la marque. Pêle-mêle, on y trouve les dénonciations des conditions de travail ignobles des employés sous-traitants chinois d’Apple, les atteintes à l’environnement avec des centres de stockage numérique alimentés en énergies fossiles, les contorsions financières pour éviter de payer la dîme fiscale aux Etats souverains, USA y compris.

Avec l’iPhone 5s, une autre polémique est venue s’ajouter. Le lecteur d’empreinte digitale qui sert à déverrouiller l’écran du téléphone soulève des interrogations. Où vont ensuite les données enregistrées par la fonction « Touch ID » ? Alors que les Etats-Unis et l’Europe sortent à peine de l’énorme déflagration de l’affaire Prism, cette fonctionnalité suspecte (certes pratique) ne concourt guère à alimenter positivement le territoire de marque.

Avis d’obsèques pour bientôt ?

Attention à la complaisance excessive. D'autres ont disparu de cette façon

Attention à la complaisance excessive. D’autres ont disparu de cette façon

N’exagérons rien ! Apple est loin d’être subclaquant comme son concurrent Blackberry actuellement au bord de la falaise après avoir été un parangon de haute technologie avancée. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que la marque ne s’affole pas plus que cela lorsqu’on évoque le recul de la part de marché de son système d’exploitation iOS dans le monde. Non seulement la version 7 a été un succès (2) de téléchargements (200 millions d’appareils équipés en quelques jours) mais Tim Cook n’a de cesse de marteler qu’aux parts de marché en volume trustées par Android, il préfère les parts de marché en valeur nettement plus génératrices de cash et synonymes à ses yeux de haute qualité, voire de luxe.

Ceci étant dit, attention au péché d’arrogance et à la complaisance boursouflée. Le cimetière des entreprises est rempli de marques prestigieuses qui se voyaient pourtant durer des lustres sans jamais faillir. Exemple parmi tant d’autres : Kodak, leader indéboulonnable de la photo argentique, n’avait pas cru au numérique alors qu’il disposait pourtant d’atouts technologiques dans ce domaine. L’image forte et affective de Kodak et ses Kodakettes n’a pas suffi. La marque est aujourd’hui dépecée. Pour Apple, le danger pourrait venir de la conjugaison létale d’une innovation qui s’assoupit et de la contestation sociétale qui s’accroît autour de sa gouvernance d’entreprise. L’iDeath peut frapper si la pomme n’y prend garde !

Sources

(1) – « Anciens Apple-maniaques, ils ont décroché » – Le Monde.fr – 19 octobre 2012
(2) – Benjamin Ferran – « iPhone 5c et 5s : Apple bat son record de ventes » – Le Figaro – 24 septembre 2013

A lire ou relire sur le Blog du Communicant

– « Apple : Et si le ver de la crise commençait à grignoter la pomme ? » – 29 avril 2012
– « La com’ d’Apple est-elle usée jusqu’au trognon ? » – 5 octobre 2011
– « Et si on arrêtait de transformer Steve Jobs en icône du management ? » – 19 octobre 2011
– « Pourquoi Tim Cook ne doit pas être le clone de Steve Jobs » – 13 juin 2012
– « Apple contre Samsung : Et si le bad boy n’était pas celui qu’on croit ? » – 29 août 2012



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