Yahoo & Réputation : Pourquoi une marque peut-elle finir par mourir ?

C’est peu de dire que depuis de nombreuses années, Yahoo a connu une longue descente aux enfers en dépit de quelques soubresauts laissant croire à une possible résurrection. L’épilogue est intervenu lundi 8 janvier avec une double annonce : le départ programmé de la très emblématique PDG, Marissa Mayer et l’abandon de la marque Yahoo pour un énigmatique Altbaba ! Au-delà de l’échec entrepreneurial d’une des marques qui aura pourtant marqué l’histoire d’Internet, cette fin peu reluisante souligne la vacuité grandissante de la communication de la marque au fil des ans. Pourquoi ?

On savait Yahoo subclaquant depuis l’été 2016 avec l’annonce de sa vente à l’opérateur télécoms américain Verizon. Cette fois, le couperet est tombé pour de bon. Dès que l’encre de l’acquisition sera sèche, celle qui était présentée comme la Madonne salvatrice d’un acteur du Web historique bien mal en point, quittera ses fonctions. Le reste des actifs que Verizon n’a pas acheté est quant à lui logé dans une entité baptisée Altbaba, un patronyme très proche du chinois Alibaba dont cette même entité possède encore 15% du capital. Malgré des efforts et des tentatives pour revenir au centre du jeu comme le rachat de Tumblr par exemple, la marque Yahoo n’a jamais cessé de perdre de sa substance.

Sans cohérence du business, communication impossible

yahoo-marissa-mayerStar incontestée de la fin des années 90 et du début des années 2000, au point de peser 128 milliards de dollars de capitalisation boursière (1), la marque s’est progressivement effilochée au gré de ses tâtonnements stratégiques. En 2012, la valorisation de Yahoo atteignait 20 milliards. Le temps où la marque incarnait le mythe de la Silicon Valley était bien loin. Au fil des ans, Yahoo va d’abord être en effet synonyme d’une entreprise qui rate le coche à de multiples reprises. En 2002, elle a l’opportunité de racheter Google alors en plein boom sur le marché de la recherche en ligne. Elle préfère se concentrer sur le rachat du pionnier des liens sponsorisés Overture. En 2008, Microsoft lance une alléchante OPA mais le fondateur de Yahoo, Jerry Yang, refuse tout net au nom de son indépendance. Sous le règne de Marissa Meyer, il est un temps question d’un rapprochement entre Facebook et Yahoo mais là aussi, l’affaire capote.

Yahoo est par conséquent devenue une marque sans réel point d’ancrage. Même ses acquisitions les plus symboliques comme le site de partage de photos Flickr en 2005 ou la plateforme de publication Tumblr en 2013 vont à leur tour s’éroder une fois intégrés au sein de Yahoo. Selon un investisseur financier familier du secteur Web et high-tech, Yahoo a brouillé son identité de marque à force d’avancer tous azimuts sans réelle cohérence d’ensemble (2) : « Yahoo! court trop de lièvres à la fois. Il fait tout mais n’est leader sur rien. Pour certains, c’est une entreprise de tech qui ne comprend rien aux médias. Pour d’autres, c’est une entreprise de médias qui ne comprend rien à la tech ».

Résultat : Yahoo se transforme en marque illisible et désuète pour les plus jeunes générations pour lesquels les précurseurs du Web n’ont pas précisément un grand intérêt. Sauf à leur fournir des services pertinents et en phase avec leurs attentes. Ce qui était loin d’être le cas de Yahoo. En août 2013, Marissa Mayer a beau avoir fait le buzz en posant comme une pin-up pour le magazine Vogue, rien n’y fait. La communication de Yahoo est en perte de vitesse, faute d’avoir des faits concrets pour alimenter une réputation avec d’authentiques aspérités.

Une perte de confiance en accéléré

yahoo-hackingCette dilution de la marque a certainement connu son ultime coup de grâce avec les révélations successives autour des cyberpiratages dont Yahoo avait été victime. Là encore, la marque n’a guère brillé par sa façon de gérer la crise à l’heure où la protection des données individuelles est devenue un enjeu d’image extrêmement sensible pour l’opinion publique. En septembre 2016, l’entreprise reconnaît publiquement une intrusion frauduleuse avec le vol d’informations dans 500 millions de comptes Yahoo. Problème : l’affaire date de … 2014 ! Trois mois plus tard, Yahoo revient piteusement sur le devant de la scène pour la même raison mais avec cette fois, 1 milliard de comptes concernés et un hacking qui remonte à … 2013 ! De quoi évidemment nourrir une suspicion immense à l’égard d’une société qui a délibérément occulté les problèmes qu’elle rencontrait, mettant à risque les données de ses propres utilisateurs.

Autant dire que l’on a connu mieux comme posture pour entretenir la confiance entre une marque si réputée soit-elle à l’origine et ses différentes communautés. Dans l’intervalle de ces deux aveux très tardifs, s’est de surcroît ajouté un troisième scandale en octobre 2016. L’agence Reuters affirme en effet que l’entreprise a mis au point un programme qui scanne tous les courriels des utilisateurs et qui transmet des informations aux agences gouvernementales, NSA et FBI en tête ! Même si Marissa Mayer ferraille dans un dernier baroud en déclarant que ses abonnés ne fuient pas (3) : « Nous travaillons dur pour conserver leur confiance, et sommes encouragés par leur fidélité ininterrompue », la réputation de Yahoo est définitivement corrompue pour reprendre un terme du jargon informatique. Dès lors, l’hallali pouvait sonner, Verizon empocher les actifs qu’il lorgnait et Yahoo s’effacer derrière un improbable Altbaba qui sonne comme un clin d’œil à Alibaba. Et pour cause. Altbaba possède 15% du capital d’Alibaba. Lequel affiche depuis le début de l’année de grandes ambitions dans les médias tout en finalisant l’acquisition d’Intime, un opérateur de centres commerciaux. Yahoo peut désormais rejoindre le cimetière des grandes marques mythiques du Web comme Netscape, Lycos, Altavista & co !

Sources

– (1) – Lucie Robequain – « Yahoo! : clap de fin pour la PDG, Marissa Mayer » – Les Echos – 10 janvier 2017
– (2) – Ibid.
– (3) – « Yahoo donne des gages à Verizon » – Les Echos – 19 octobre 2016



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