Tendances communication 2017 : Et si on arrêtait de mettre la poussière sous le tapis pour parler des vrais enjeux ?

Au moment de rédiger ce classique cahier annuel des tendances qui font ou vont faire bouger les lignes de la communication des entreprises et des institutions, je suis simultanément pris par un immense vertige et une perplexité lancinante. Vertige devant ce monde connecté où l’information circule en permanence et se télescope à la vitesse d’atomes échauffés en mouvement. Perplexité devant ce monde des communicants qui affirment avoir compris et intégré les nouveaux paradigmes et qui continuent pourtant à dupliquer les vieilles ficelles à la sauce digitale. Quand va-t-on arrêter de s’abriter derrière la bien commode transformation digitale fourre-tout pour enfin modifier les états d’esprit et les comportements à l’aune des exigences et de la défiance exprimées par le corps sociétal et ses parties prenantes ? Communiquer, ce n’est plus bricoler ou sublimer la réalité telle qu’on la fantasme à l’idéal ou qu’on entend la contrôler. Communiquer, c’est désormais intégrer l’autre, entendre, dialoguer pour trouver des points mutuels de convergence et d’acceptation.

Les dernières études de 2016 sur le sujet l’affirment. Promis, juré, craché ! Les communicants ont maintenant pris pleine mesure des enjeux et des disruptions que les technologies digitales ont induits depuis déjà plusieurs années. Sauf que réduire la refondation de la communication à une simple (pas toujours si simple d’ailleurs !) opération de digitalisation tous azimuts revient à refaire la carrosserie et la mécanique d’une voiture sans se préoccuper des nouvelles façons de conduire qui deviennent dorénavant la norme. En listant un certain nombre de tendances fondamentales qui ne cessent de s’accentuer à mesure que les années passent, j’ai nettement l’impression d’opérer comme un vieux disque rayé.

Hormis quelques dircoms novateurs qui ont compris (et agissent en ce sens) que c’est la posture des organisations qui doit changer plus que le déploiement des outils à marche forcée, beaucoup de stratégies de communication reposent encore sur du vernis digital gavé à grandes lampées de data sans vraiment admettre qu’aujourd’hui, une réputation ne se décrète plus unilatéralement, ni de façon incantatoire mais qu’elle relève d’un subtil modèle de Calder où les parties prenantes ont autant de poids (sinon plus) que la marque et/ou l’entité corporate. Alors, 2017 sera-t-il l’année de la maturité pour reprendre le titre enthousiaste d’un récent billet de mon ami blogueur Hervé Monier ? Il serait grand temps de sortir des débats poussifs « Snapchat ou pas Snapchat ? » pour se pencher plus globalement sur l’écosystème communicant des entreprises. Celles et ceux qui sauront embrasser la contradiction, l’agilité et l’échange, seront celles et ceux qui gagneront en crédibilité et en autant d’alliés objectifs dans un monde si versatile.

Le temps réel, tempo du communicant

t2017-edf-greenpeaceL’actualité de ces derniers jours vient encore de fournir la preuve. Le temps réel est devenu l’unité chronologique du pouls du monde. A peine le tireur turc venait-il d’assassiner l’ambassadeur russe lors d’un vernissage à Ankara que déjà les photos du tueur, révolver à la main et poing levé, faisait le tour du monde des médias et des réseaux sociaux. Qu’on s’en désole ou qu’on s’en réjouisse, cette donnée est enracinée pour bon. Les chaînes d’information continue avaient déjà largement contribué à accélérer le tempo médiatique. Les réseaux sociaux ont achevé de le comprimer au point qu’un quidam peut vivre en direct un événement qui se déroule à des milliers de kilomètres de lui et le répercuter à son tour. Des applications comme Facebook Live et Periscope permettent à chacun de s’improviser témoin d’un fait ou d’une action qui se passe devant eux.
Pour les communicants, cela augure de sacrés défis, voire de casse-têtes pour ne pas se retrouver noyé sous une avalanche d’images sans avoir la possibilité de faire valoir son point de vue.

Il n’en demeure pas moins que le « live » est de plus en plus utilisé par des mouvements sociaux comme Nuit Debout de mars à mai 2016, des ONG comme Greenpeace. Cette dernière a notamment retransmis en direct son action anti-nucléaire menée le 14 décembre au siège parisien d’EDF. Avec la démocratisation des appareillages vidéo, il est fort à parier que ce type de communication va largement se généraliser et obliger de fait les entreprises sur la sellette d’être en mesure de contrebalancer les objections qui leur sont adressées. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que plusieurs grosses structures ont décidé d’investir dans des « social rooms » dont la vocation est de faire participer la marque aux conversations digitales mais également de déminer de potentielles sources de crise, voire de répliquer avec son propre argumentaire. A cet égard, SNCF constitue un exemple à suivre avec sa « social room » officiellement active depuis octobre 2016.

L’automatisation comme parade au temps réel ?

t2017-chatbotCette brutale accélération du temps informationnel n’est effectivement pas la moindre des gageures des communicants. Le temps où jouer la montre et miser sur l’oubli pour espérer passer entre les gouttes est caduc. Certes, d’« heureux » chevauchements de l’agenda médiatique peuvent parfois aider à grappiller quelques instants de répit face à une polémique naissante mais c’est souvent reculer pour mieux sauter. La marque comme l’entreprise se fait héler sans prévenir. La célèbre barre chocolatée Toblerone l’a payé à ses dépens le 15 octobre dernier. Son propriétaire, le groupe américain Mondelez, avait pourtant joué la carte de la transparence. Sur sa page Facebook, l’entreprise expliquait qu’elle allait alléger le poids de ses barres en raison de la hausse du prix du cacao et d’un taux de change défavorable au Royaume-Uni. En vain. Lorsque les consommateurs ont découvert la modification, ceux-ci se sont déchainés sur les médias sociaux autour du hashtag #TobleroneGate au point d’être le sujet de pointe devant … les élections américaines.

C’est un fait. Le consommateur, client, usager, utilisateur, etc entend être pris en compte ici et maintenant. C’est dans ce contexte d’infobésité galopante que les fameux « chatbots » (robots de discussion) ont commencé à investir le quotidien des stratèges de la communication et du marketing, voire d’autres fonctions qui ne parviennent plus à endiguer le flux conversationnel de leurs publics. D’aucuns misent encore plus sur les promesses de l’intelligence artificielle où le chatbot est capable d’apprendre et de s’adapter à son interlocuteur. L’idée est séduisante mais pas vraiment au point. En témoigne la piteuse avanie subie en mars 2016 par le robot conversationnel sur Twitter baptisé Tay que Microsoft avait lancé. Son rôle ? Répondre aux questions des jeunes internautes américains de 18 à 24 ans en disposant à la fois d’un corpus d’éléments de langage créé par les ingénieurs de Redmond et en s’enrichissant elle-même des expressions récurrentes usitées par les internautes interagissant avec elle. Ce qui s’annonçait comme une avancée dans la gestion de la conversation digitale avec les internautes, a pourtant rapidement tourné au cauchemar réputationnel pour Microsoft. Titillée par des twittos ironiques, extrémistes ou simplement blagueurs, Tay n’a guère tardé à adopter un langage tellement fleuri qu’elle en est devenue sexiste et raciste en reprenant à son compte des expressions ordurières. Qu’on le veuille ou non, la communication reste encore l’affaire d’humains au fait d’un contexte spécifique et capables d’une agilité idiomatique qu’un robot peine à développer.

L’attention, le pétrole du communicant

t2017-attention-spanDiscuter avec ses communautés est un must mais les retenir suffisamment pour les convaincre et les inciter à cultiver la relation est l’objectif ultime. Or, celui-ci est loin d’être évident à gagner d’emblée. Le corollaire de cette immédiateté digitale à laquelle l’internaute s’est nettement accoutumé, est un degré d’attention de plus en plus volatile. Début 2016, une étude conduite par Microsoft sur la consommation des médias au Canada relevait que l’attention moyenne d’un individu était désormais de 8 secondes tandis qu’elle atteignait encore 12 secondes en 2000. Et cette tendance baissière affecte tout type de contenu. Qu’il s’agisse de vidéo, un format pourtant en vogue, de texte, de sonore, l’internaute peut décrocher rapidement d’autant plus qu’il est en parallèle sur-sollicité dès qu’il se connecte à une application, un site Web ou un réseau social.

L’enjeu est loin d’être neutre dans pareil contexte. Les entreprises et les marques n’échappent pas à cette problématique. Non seulement, elles doivent parvenir à se frayer un chemin et se différencier par rapport aux concurrents évoluant sur la même thématique éditoriale mais elles doivent aussi parvenir à se glisser dans le temps global que chaque internaute accorde à sa navigation quotidienne sur le Web. D’où l’impérieuse nécessité évoquée précédemment de bien connaître ses publics et de proposer un contenu original, qualitatif et même innovant (écriture transmédia, réalité virtuelle et augmentée, émoticônes, etc) pour avoir une chance solide d’entretenir une relation durable et de gagner des internautes acquis à la marque autrement que par un clic ou un simple partage. Sans oublier non plus de cultiver sa personnalité de marque ou d’entreprise en parlant vrai, en donnant de l’aspérité dans son langage plutôt que de vouloir tout « lisser » de crainte de subir des critiques.

Pédale douce sur les influenceurs

t2017-influenceursAutre marotte dont la profession communicante est friande : les influenceurs. Ces êtres bizarres surgis de leur ordinateur ou de leur webcam et capables d’agglutiner des milliers (voire des millions) de fans déchaînent les passions chez les marques et les entreprises en mal de regagner de la visibilité et de l’appétence auprès de leurs communautés. Il serait certes malhonnête de prétendre que des Instagramers, des YouTubers ou des blogueurs ne peuvent pas constituer de puissants relais auprès de publics spécifiques. Le fait est que les influenceurs en ligne ne sont pas une vue de l’esprit mais des acteurs à part entière pouvant par leurs écrits ou leurs visuels faire la pluie et le beau temps pour la réputation d’une marque.

Néanmoins, il ne s’agit pas pour autant de céder à l’obsession de l’influenceur. Dans le travail d’approche auprès des influenceurs, il est urgent que communicants et marketeurs cessent de s’en remettre aux beaux discours enjôleurs de certains consultants ou agences qui vendent de l’influenceur sur catalogue comme on débite des baguettes de pain à l’heure de pointe chez le boulanger. Cela exige certes un effort supplémentaire d’analyser en profondeur pour débusquer les petits malins qui claironnent leur influence sans vraiment en avoir par rapport aux vrais dont le discours porte vraiment. Ensuite, il faut savoir que 3% des influenceurs (les vrais) génèrent en moyenne 90% des conversations. Conséquence : pas besoin de s’attacher les services d’une armée de trolls excités et de botnets vitaminés si l’on sait entretenir les bonnes relations avec celles et ceux qui incarnent une authentique influence. Une influence néfaste peut s’enrayer à condition de disposer d’alliés objectifs et pertinents. Là aussi, prendre le temps de connaître ces influenceurs clés est le meilleur atout pour tisser des relations constructives.

Faites confiance à vos collaborateurs

t2017-employee-advocacyPuisque l’influence est devenue un enjeu encore plus crucial dans cette tectonique digitale où les réputations peuvent se faire et se défaire très rapidement, il est une communauté que les entreprises commencent (enfin) à redécouvrir : leurs propres collaborateurs. Bien que çà et là, subsistent des récalcitrants pour lesquels un salarié qui parle de son entreprise sur les réseaux sociaux équivaut à un danger potentiel, la notion de « salarié ambassadeur » (employee advocacy en anglais) gagne du terrain. Sur les réseaux sociaux, les salariés d’une entreprise ont souvent plus de pouvoir de prescription et de cote de confiance que le compte officiel d’une marque ou d’une société, voire la voix de son n°1 ou des hauts dirigeants.

L’édition 2016 du célèbre Trust Barometer de l’agence de communication Edelman a encore remis en lumière ce phénomène déjà à l’œuvre et palpable depuis plusieurs années. La parole d’un proche ou d’un employé est jugé fiable respectivement à 78% et 55% là où celle exprimée par le PDG ne franchit pas le cap des 50%. Mieux encore, lorsqu’il s’agit de parler de sujets plus pointus relatifs à l’activité intrinsèque de l’entreprise, le salarié est considéré comme le porte-parole le plus digne de confiance. Par exemple, sur le sujet des conditions de travail et managériales, celui-ci obtient un taux de confiance de 48%, loin devant un membre du comité de direction (24%) et le PDG (19%). Un sacré renversement de paradigme qui a évidemment conduit nombre d’entreprises, de directions générales et d’équipes de communications à repenser petit à petit leur approche des salariés en matière de présence sur les réseaux sociaux.

Pour achever de se convaincre, il suffit également de se référer à l’étude réalisée par Linkedin et Altimeter Group sur les 100 entreprises les plus engagées sur la dite plateforme sociale professionnelle. Trois bénéfices se dégagent des observations menées : 40 % des organisations engagées sur les médias sociaux ont plus de chances d’être perçues comme compétitives par les communautés de leur écosystème digital, 57 % ont plus de probabilité d’obtenir davantage de contacts et de générer par conséquent des opportunités d’affaires et enfin, 58 % ont plus de capacité d’attirer des talents de haut niveau. Un point qui est loin d’être marginal pour des acteurs issus de nombreux secteurs d’activité très concurrentiels et confrontés de surcroît à une génération Y nettement plus volatile et critique que ses aînés si l’entreprise n’est pas concrètement engagée et cohérente entre ses propos et ses actions.

Le Web social n’est pas pavé que de bonnes intentions

t2017-cyberprateS’il est un terrain en revanche où les communicants ont du pain sur la planche, c’est bien celui de l’activisme sous toutes ses formes. Qu’il s’agisse de détournement de comptes sociaux, de fuites informationnelles émanant de salariés ou d’initiés, d’opérations d’astroturfing plus ou moins amples ou même de cyberpiratage qui impacte la réputation d’une enseigne, le Web social est loin d’être un long fleuve tranquille. Là encore, il ne convient pas de céder aux bons vieux réflexes du bétonnage à tout va comme d’aucuns osent encore le préconiser. Occulter et/ou nier, voire monter des opérations d’intox en ligne (Si, si ! Des agences peu regardantes osent encore vendre ce genre d’approche) constituent des approches absolument mortifères. Sur Internet, il se trouvera toujours quelques internautes astucieux pour éventer ces tactiques d’un autre temps et de fait amplifier la crise qu’on voulait planquer en catimini.

Là encore, la solution passe par une veille calibrée et proactive de son écosystème digital. C’est d’ailleurs tout le paradoxe de cette ère numérique. Autant auparavant, il était nettement plus malaisé de repérer des signes avant-coureurs augurant de situations potentiellement délétères, autant actuellement la technologie permet aux communicants d’identifier des foyers sensibles. Ensuite évidemment, il convient de traiter avec pertinence et concrétude les éléments relevés. Si c’est pour à nouveau mettre la poussière sous le tapis, autant dire que même le plus puissant des logiciels ne saura éviter une crise aux conséquences d’autant plus imprévisibles que le Web garde tout en mémoire, y compris les choses les plus anciennes ou improbables. Lesquelles vous sont resservies imparablement lorsque les turbulences médiatiques se font jour. Avec le scandale du DieselGate aux USA, le groupe Volkswagen a ainsi vu remonter toutes les casseroles d’un passé n’ayant pas forcément à voir avec la crise elle-même mais venant un peu plus ternir la réputation de la marque.

La techno comme recours ultime ?

t2017-social-media-listeningSi la technologie peut incontestablement aider le communicant dans son métier et dans son rôle stratégique auprès de la direction générale, elle n’est en revanche pas une fin en soi. Le temps du dircom décorateur en chef et porte-voix amidonné du discours corporate est révolu. Celui-ci aura beau investir dans les logiciels dernier cri, il sera voué à l’échec s’il n’accomplit pas en parallèle sa révolution intellectuelle. Pour l’avoir vécu, j’ai rencontré une dircom ardente promotrice de Twitter au sein de son organisation mais obnubilée par le fait de valider trois mois à l’avance les tweets qui allaient être émis. Tout est dit dans cette anecdote et là réside encore le cœur du problème pour bon nombre de communicants qui restent scotchés sur la rassurante boîte à outils sans faire l’effort de reconnaître que le temps de la communication verrouillée et propriétaire est bel et bien mort.

En 2017 et au-delà, il est impératif d’admettre que la communication d’une entreprise se co-construit avec les parties prenantes. Cela ne signifie pas que l’organisation doit renier son âme et s’interdire d’exister pour ce qu’elle est intrinsèquement. Cela signifie en revanche qu’elle sache s’appuyer sur son écosystème pour être un acteur reconnu, digne de confiance. C’est à cette condition incontournable qu’une stratégie de communication sera efficace. Le reste n’est que billevesées ou chimères.



5 commentaires sur “Tendances communication 2017 : Et si on arrêtait de mettre la poussière sous le tapis pour parler des vrais enjeux ?

  1. Lisa Kauffmann  - 

    J’ai découvert avec un peu de retard mais beaucoup d’intérêt votre billet. C’est un excellent condensé des challenges actuels pour toutes les entreprises et une belle vision de la stratégie digitale. En espérant que nous nous dirigeons vers une meilleure utilisation des outils, sans oublier que oui :
    «la communication reste encore l’affaire d’humains au fait d’un contexte spécifique et capables d’une agilité idiomatique qu’un robot peine à développer.»

    Bravo !

    (une étudiante en communication)

Les commentaires sont clos.