[DirCom du Mois] – Laurent Turpault (Coca-Cola France) : « Le dircom doit être à l’écoute de tout : cible, tendances, bruit digital, interne et… le compte de résultat ! »

Coca-Cola fait partie du club restreint des marques qui éveillent aussitôt l’attention d’un interlocuteur. La France n’échappe pas à cet engouement (ou parfois réticence !) d’autant que l’Hexagone est un marché d’envergure pour la boisson sucrée originaire d’Atlanta. Avec une gamme qui comprend aussi des marques réputées comme Fanta, Sprite ou la petite dernière en date Fuze Tea mais encore des enjeux de développement durable, de réputation, de consommation, de conversations avec ses publics, etc. Directeur de la communication et des affaires publiques de Coca-Cola France depuis novembre 2015, Laurent Turpault partage sa vision du métier de communicant et des challenges à relever.

Tout le monde ne le sait peut-être pas mais Coca-Cola et la France, c’est une vieille et longue histoire qui a commencé en 1919. A l’époque, les célèbres courbes de la bouteille en verre sont importées directement des Etats-Unis et commercialisées dans les cafés à Paris et à Bordeaux. Deux ans plus tard, la première usine de production voit le jour rue Rouelle dans le 15e arrondissement parisien. A la fin de la Deuxième guerre mondiale, les Français gardent leur affection pour la marque qui devient un des symboles du mode de vie joyeux de l’après-guerre. Aujourd’hui, 90% des boissons de The Coca-Cola Company qui sont consommées en France sont produites en métropole dans les 6 usines des embouteilleurs de The Coca-Cola Company. Ces boissons sont présentes dans plus de 400 000 points de vente, des grandes surfaces aux boulangeries et cafés de quartier. Coca-Cola en France c’est désormais une présence dans 8 foyers sur dix, 2800 emplois directs sur tout le territoire et de nombreux enjeux de communication que va détailler Laurent Turpault.

« Un communicant né sous le signe des Boissons »

Hormis un début de carrière amorcé dans le secteur financier comme marketeur au sein du groupe Crédit Agricole, Laurent Turpault a consacré la majorité de son parcours professionnel à l’industrie des boissons. D’abord Heineken France où il construit la première plateforme digitale du groupe avant de s’attaquer à la valorisation de la catégorie puis de constituer le pôle communication RSE. Il rejoint ensuite le groupe Bacardi-Martini où il reste deux ans en tant que directeur des affaires externes, partageant son temps entre la France, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et la Grèce pour développer l’image d’un groupe fortement ancré en Europe du Sud et défendre « le slow-drinking ».  Depuis novembre 2015, il est aux manettes de la communication et des affaires publiques de Coca-Cola France. Interview en mode décapsuleur.

Excepté quelques cas récidivistes de « greenwashing », développement durable et responsabilité sociétale sont dorénavant des leviers étroitement imbriqués dans les activités de l’entreprise. Chez Coca Cola, vous êtes déjà engagés dans ce processus depuis plusieurs années. En janvier 2018, le groupe Coca-Cola est même allé très loin dans ses ambitions autour de la RSE en dévoilant un projet global de zéro déchet mondial d’ici 2030 et pour la France d’ici 2025. Tous les communicants savent que les effets d’annonces sont ensuite scrutés de très près par les parties prenantes, particulièrement les plus activistes. Comment comptez-vous communiquer sur l’avancement du projet pour prouver que des actions concrètes sont engagées ? Par ailleurs, quels enjeux et publics cibles poursuivez-vous en particulier sur ce sujet ?

Laurent Turpault : L’objectif de Zéro déchet et en particulier de collecte et de recyclage de 100% de nos emballages est effectivement très ambitieux aussi bien pour Coca-Cola France que pour Coca-Cola European Partners, notre partenaire embouteilleur. Nous pensons qu’il était indispensable de se fixer un objectif ambitieux et mesurable pour développer notre plan d’action. La communication en effet est un élément clé du projet et même si l’objectif n’est pas simple à atteindre, j’ai la conviction que tous les ingrédients sont là pour témoigner de la sincérité et des progrès de notre démarche d’ici 2025.

Ce n’est pas la première fois que Coca-Cola prend fait et cause pour un sujet de société. Voyageons un peu dans le temps ! A la fin des années 60, les Etats-Unis sont le théâtre de grandes manifestations consécutives à l’assassinat de Martin Luther King. Robert Woodruf, le PDG Groupe de l’époque est horrifié par les actes racistes et tous les préjugés qui les accompagnent. Il décide alors de faire porter un message d’intégration à la marque Coca-Cola. Cela se traduit par un cliché réalisé par Jay Maisel qui met en scène un groupe de jeunes adultes blancs et noirs sur un banc dans une publicité de Coca-Cola (voir photo ci-dessous). Aujourd’hui, cette photo peut sembler anodine mais si on y regarde de plus près, on comprend vraiment sa dimension révolutionnaire : ces jeunes sont assis sur un banc de la ségrégation. Rappelons en effet qu’à cette époque dans certains Etats des USA, noirs et blancs ne partageaient pas les mêmes sièges dans l’autobus ou même dans un parc. S’en suivront une série de publicités et d’engagements auprès d’associations qui porteront toujours plus loin les actions de Coca-Cola et de ses partenaires pour l’inclusion, quels que soit votre âge, votre couleur de peau, votre orientation sexuelle…

CC – Photo Jay Maisel

Pourquoi je vous raconte cela ? Quel lien entre inclusion sociale et recyclage de nos emballages ? Les ingrédients du succès sur le thème de l’inclusion sociale sont à nouveau réunis pour nous permettre de relever cette fois l’important défi environnemental. Je parle de 3 éléments majeurs :

  • L’engagement de la plus haute fonction de notre entreprise. Comme pour Robert Woodruf sur la diversité ou Muhtar Kent sur l’émancipation des femmes en leur temps, James Quincey (PDG Groupe depuis mai 2016) a la volonté d’incarner un engagement fort : un monde sans déchet à horizon 2030.
  • La communication de nos marques. Alors que l’on parle beaucoup actuellement de RSM (Responsabilité Sociétale de la Marque) au-delà de la RSE, le soutien du message par nos marques est indispensable. Ce sont nos plus puissants leviers pour sensibiliser tous les consommateurs aux gestes de tri. C’était exactement le cas de « Hilltop », le spot publicitaire mettant en scène en 1971 un groupe d’ados aux multiples origines. L’an passé, le film publicitaire diffusé en Arabie Saoudite qui met une jeune femme au volant procède du même esprit. Ce sera bientôt le cas sur le recyclage.
  • Le travail avec les organisations. Concepteurs, fabricants, distributeurs, consommateurs, pouvoirs publics, tous ont un rôle à jouer pour éliminer et valoriser les déchets. Coca-Cola a une longue tradition de partenariats avec des ONG de premier plan. Notre système travaille actuellement avec l’ensemble de l’industrie et des associations pour étudier toutes les solutions qui permettront de tendre vers un recyclage à 100% de nos emballages. Là aussi, les progrès seront communiqués à nos partenaires et à l’ensemble des parties prenantes intéressées au sujet.

Même si la marque n’est pas la seule sur le banc des accusés, l’image de Coca-Cola est fréquemment associée dans l’opinion publique, sur les réseaux sociaux et dans les médias comme étant un des facteurs majeurs de l’obésité dans le monde. Récemment, un journaliste de « Complément d’enquête » de France 2 s’est rendu au Mexique, « champion du monde de l’obésité ». Dans le pays, chaque habitant boit en moyenne 160 litres de soda par an et une personne sur deux est en surpoids. Depuis plus de 10 ans, l’entreprise a développé une gamme allégée (Light, Green, Zéro, etc) ainsi que d’autres boissons plus naturelles (comme Fuze Tea qui vient d’être lancé). Comment gère-t-on cette tenace réputation et comment peut-on donner des gages concrets pour montrer que l’entreprise a pris conscience des enjeux nutritionnels et qu’elle met en œuvre des moyens pour faire reculer l’obésité ?

Laurent Turpault : En effet, la marque n’est pas seule mais il faut reconnaître qu’elle cristallise bon nombre des critiques, rançon probable de son grand succès sur plusieurs décennies. Coca-Cola a un rôle à jouer sur les sujets nutritionnels, c’est incontestable. L’entreprise l’assume pleinement mais rappelons tout de même que les boissons rafraîchissantes contribuent en moyenne à 3,5% des apports caloriques des Français (source CREDOC enquête CCAF 2013). Tous les acteurs ont un rôle à jouer et nous sommes déterminés à jouer le nôtre.Les implications sont multiples, à commencer par une écoute attentive de tout ce qui se dit sur ces sujets, dans les médias ou sur le digital, en France comme à l’étranger. C’est loin d’être anecdotique pour les communicants que nous sommes car le consommateur et ses préoccupations sont au cœur de la culture et de la stratégie de Coca-Cola. Les attentes de celui-ci évoluent et c’est pour mieux y répondre que notre portefeuille évolue. Cela passe par des nouvelles recettes : Coca-Cola Zéro sucres lancé en France en 2016 au goût encore plus proche de Coca-Cola original, Fanta qui a vu sa teneur en sucre réduite de 40% sur ces dernières années, de nouvelles marques telles que Fuze Tea que vous citez mais aussi Honest, première boisson au thé bio dans notre portefeuille et de nouveaux formats, plus petits tels que la bouteille en verre 200ml de Coca-Cola.

François Gay-Bellile, président de Coca-Cola France a promis de lancer au moins une nouvelle boisson sur ces nouvelles catégories chaque année. Au regard de son expérience aux Etats-Unis et en Asie, il connaît très bien la capacité du groupe à offrir un large choix de boissons pour toutes les occasions de consommation. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Alors que les boissons gazeuses représentent près de 80% de notre activité en France, elles pèsent 20% au Japon. Le reste se compose d’eau, de thés, de cafés. C’est le résultat d’une diversification porteuse de croissance et de valeur sans laisser de côté les marques historiques. En France, l’évolution du portefeuille et des recettes va nous permettre de réduire de 10% le sucre ajouté dans nos boissons d’ici 2020.

Alors, qu’est-ce que cela signifie pour nous communicants ? Depuis bien longtemps, la marque nourrit des fantasmes variés. C’est d’ailleurs pour cela que travailler chez Coca-Cola est passionnant. Les enjeux sont nombreux. Ils vont de la fameuse recette secrète jusqu’aux rumeurs les plus farfelues sur ses ingrédients. Ils impliquent une grande agilité de notre part : la capacité à comprendre la perception de la marque et des catégories pour adapter nos messages aux niveaux institutionnels et de marque. L’important est de ne pas avoir une communication défensive qui sera peu convaincante auprès de nos alliés comme de nos détracteurs. Au contraire, il s’agit de développer le dialogue basé sur la transparence et la co-construction avec l’ensemble des parties prenantes.

C’est dans cet objectif que nous avons créé l’an passé « Le Soft ». Ce lieu unique pour les médias, les influenceurs, les partenaires et les clients de Coca-Cola en France a été ouvert dans Paris pendant 2 mois avant d’être installé dans notre siège d’Issy-Les-Moulineaux. Le Soft est un grand loft articulé autour du passé des softs (on ignore bien souvent que l’histoire des boissons rafraîchissantes en France débute à la Renaissance !), du présent (avec l’expression du rôle que jouent les softs dans diverses occasions de notre vie quotidienne) et de l’avenir avec notre ambition de diversification et de multiples découvertes sur le goût, les innovations, les autres marchés. Le Soft nous a permis d’engager la conversation avec un grand nombre de publics très variés, et de leur faire vivre de manière très interactive des expériences autour du goût sucré, des nouvelles tendances de consommation pour expliquer comment Coca-Cola évolue.Pour Coca-Cola en France, le Soft marque le passage d’une posture réactive à une attitude proactive, ouverte, transparente.

Mais comme vous vous en doutez, il n’a pas supprimé toutes les rumeurs ou les attaques à notre encontre. Nous écoutons en permanence les médias et ce que nous disent nos parties-prenantes (soit directement, soit indirectement) avec l’appui d’une équipe digitale dédiée. La réputation de l’entreprise et de sa catégorie est aussi mesurée au travers d’un audit mensuel. Notre travail consiste alors à apporter les bonnes réponses chaque fois que cela est possible, avec les formats adaptés à chacune de nos cibles : une alternance entre des Stories sur Instagram, un rendez-vous plus classique avec un institutionnel ou encore la visite du laboratoire R&D de Coca-Cola à Bruxelles.

Vous pensez certainement que nous avons ainsi touché presque tous nos relais d’opinion. Pourtant, il en manque deux : le chauffeur de taxi et votre grande tante ! En effet, travailler pour Coca-Cola, c’est être soi-même un ambassadeur. Il est très fréquent d’être interpellé sur la marque et son actualité par les personnes de son entourage. Répondre aux questions et partager les dernières informations de notre groupe est désormais possible pour chaque collaborateur avec le programme Coca-Cola Ambassador.

Le contenu de marque est devenu le sujet incontournable pour tout communicant qui se respecte et qui vise à engager plus efficacement ses différents publics avec la marque et l’entreprise. A cet égard, le géant d’Atlanta avait été précurseur fin 2012 en décidant l’abandon de son site corporate au profit d’une plateforme de contenus actualisés au gré de l’actualité de l’entreprise, de son environnement mais aussi des propositions de contributeurs externes. Un an après le lancement de « Coca Cola Journey » aux USA, le site avait reçu 11,1 millions de visites soit des audiences plus élevées que celles de sites reconnus comme Chicago Sun Times, Ad Age. Depuis, le modèle a été dupliqué et adapté dans de très nombreux pays dont la France. Quelles observations majeures faites-vous ? Où en est-on ?

Laurent Turpault : Vous nous connaissez bien ! Coca-Cola Journey a rencontré son public en France avec un fort trafic annuel. Nos taux d’engagement sont très bons, montrant l’intérêt de nos lecteurs. D’un point de vue éditorial, je trouve intéressant d’observer l’évolution de Coca-Cola Journey pour parler moins d’actualité générale mais plus de nous (entreprise et marque) tout simplement de manière transparente.

Coca-Cola Journey est devenu la référence pour obtenir l’information sur nos produits et connaître notre activité.Lors de son lancement, il y a 4 ans maintenant, la démarche avait été applaudie par tous les observateurs. Aujourd’hui, elle doit continuer à s’adapter à l’évolution des pratiques et des usages. D’abord d’un point de vue technique pour faciliter la navigation sur mobile et dans l’équilibre de ses contenus pour mieux illustrer la richesse du portefeuille et notre message de diversification et d’engagement. Affaire à suivre !

En février 2018, le président de Coca-Cola France, François Gay-Bellile a participé à une conférence à l’Université de Limoges pour parler sport et sponsoring. Un mois avant, le groupe annonçait avec la FIFA la nouvelle tournée mondiale du Trophy Tour. Cette initiative unique permet aux fans de football voir en réel la Coupe du Monde et même de prendre un selfie avec le trophée comme les 20 et 21 mars derniers en France. Pourquoi cet axe de communication occupe-t-il une part prépondérante et historique de la stratégie de communication de l’entreprise et ses marques ?

Laurent Turpault : C’est une question d’ADN ! Le sport et Coca-Cola sont liés par l’histoire et les valeurs qu’ils partagent. L’histoire, vous la connaissez. Coca-Cola a été la première marque à sponsoriser les jeux olympiques en 1928. Elle a soutenu depuis un grand nombre de compétitions internationales et nationales. Quelques mois après mon arrivée dans le groupe, j’ai eu la joie de travailler sur l’Euro 2016. Le savoir-faire des équipes dans l’exécution des partenariats m’a impressionné et je suis sûr que cela se vérifiera à nouveau en Russie du 14 juin au 15 juillet prochain.

Chaque fois, nous essayons de construire une activation qui laissera un héritage avec un leitmotiv en interne « Only Coke can do ! ». En amont de la compétition, nous avions lancé un concours pour déterminer parmi les villes hôtes de l’Euro 2016 laquelle serait la plus dynamique. Résultat : nous étions très fiers d’inaugurer une mini arena offerte par Coca-Cola, la FFF et le CNDS en avril à Lille, gagnante de ce concours. Ce lieu connecté va désormais rassembler jeunes et moins jeunes autour de la pratique du sport.Côté valeurs, nous parlions un peu plus tôt de lien social. Tout est là ! Le sport rassemble au-travers de petits et grands événements.

Boire un Coca-Cola, c’est beaucoup plus que consommer une boisson rafraîchissante. C’est vivre des moments spéciaux avec sa famille, ses amis mais aussi rejoindre les valeurs de partage ou de rassemblement dont nous évoquions tout à l’heure. Je m’en suis aperçu au moment du Trophy Tour le mois dernier. Nous sommes allés à la rencontre des Parisiens pour leur présenter le trophée de la Coupe du Monde au Forum des Halles puis à Reims. C’était une expérience unique à l’occasion du vingtième anniversaire de France 98. Nous avions rassemblé invités et quelques anciens joueurs de l’équipe de France avec une foule de visiteurs enthousiastes ! Pour nos événements autour du sport en France, nous avons en plus la chance de collaborer avec l’ex-basketteur Richard Dacoury. Il faut que vous le rencontriez. Il en parle beaucoup mieux que moi !

Autre thème plus clivant mais non moins important : le sexisme dans les campagnes publicitaires. En début d’année, 28 marques (dont Coca-Cola) se sont engagées à briser les clichés et ont signé les 15 engagements du programme FAIRe de l’UDA (Union des Annonceurs). Selon vous, une marque et/ou une entreprise doit-elle aussi s’impliquer dans ces débats sociétaux où l’image de la femme est encore source de stéréotypes d’un autre âge ?

Laurent Turpault : Oui ! C’est un « oui » franc parce que je suis convaincu à titre personnel que nous avons tous à gagner d’une meilleure équité entre hommes et femmes. Ensuite, ma conviction professionnelle sur la pertinence pour une marque de s’impliquer dans un sujet sociétal est tout aussi forte. Pour peu que cette marque en ait la légitimité, le « thought leadership » comme disent les Anglo-Saxons. Cela répond à la fois aux institutionnels et aux consommateurs qui attendent que leurs marques s’engagent. Selon l’étude CAWI de janvier 2018 par CSA pour Havas, 60% des Français estiment que « les entreprises ont aujourd’hui  un rôle plus important que les gouvernements dans la création d’un avenir meilleur » et la capacité à faire bouger les choses en matière sociétale.

Le sujet des femmes et plus largement de l’inclusion dont je parlais précédemment est un territoire sur lequel Coca-Cola est particulièrement légitime du fait son engagement historique et appuyé par la position de ses dirigeants. Une fois le terrain de « thought leadership » identifié pour une marque, il reste à le nourrir et le faire connaître. Dans ce cadre, la signature du programme FAIRe est un engagement simple mais cohérent avec tout l’écosystème développé par Coca-Cola. Un engagement nourri d’actions régulières comme par exemple le lancement de la plateforme de e-learning de Force Femmes durant la Journée de la Femme digitale le 17 avril. Un engagement qui doit être défendu et mesuré. D’ailleurs, certains indicateurs ne sont pas statistiques. Fin 2016, la réalisatrice Tonie Marshall nous sollicitait pour associer Coca-Cola à son film « Numéro Une » qui traite du plafond de verre en entreprise (voir photo ci-dessus). Elle était à la recherche de marque légitime sur ce sujet sensible et avait pensé à nous. Spontanément !

Les programmes de salariés ambassadeurs (« Employee Advocacy ») se multiplient depuis environ deux ans. Les entreprises comment en effet à comprendre les atouts et les bénéfices que les salariés peuvent apporter en matière de réputation corporate après avoir longtemps été réticentes et dans le contrôle absolu pour les plus rigides. Qu’est-ce est entrepris au niveau du groupe Coca-Cola et dans quelle optique ? La France fait-elle partie de des pays contributeurs ?

Laurent Turpault : Qui mieux que les collaborateurs peuvent être entendus sur leur entreprise ? C’est ce dont je parlais à l’instant avec notre programme Coca-Cola Ambassador. C’est en place et la France est plutôt en avance sur le périmètre de l’Europe de l’Ouest. Nous avons pensé ce programme dans sa globalité : contenus, occasions d’expression et formation aux réseaux sociaux. Nous ne voulions pas encourager les collaborateurs sans les avoir équipés à propos de nos messages pour pouvoir parler en toute circonstance : sur les médias sociaux bien entendu mais aussi dans une réunion professionnelle avec des pairs et dans leurs interactions au quotidien. Cela doit rester bienveillant en toute circonstance. Chacun est libre de participer ou non !

La fonction de directeur de la communication a incontestablement et rapidement évolué depuis plusieurs années, en particulier avec l’irruption du digital et de la multiplication des parties prenantes qu’il engendre mais aussi la porosité entre communication interne et communication externe. Bien que certains restent encore adeptes de la communication verticale et unilatérale, vous êtes de ceux qui ont saisi que le Web allait rebattre les cartes. Quelle vision avez-vous de l’évolution de votre fonction au sein de l’entreprise ? Quels sont les prérequis incontournables que tout bon communicant se doit de posséder et cultiver à l’heure du Web social où le magistère de la parole n’est plus l’apanage unique des décideurs économiques, politiques et médiatiques ?

Laurent Turpault : Vous résumez très bien la situation. La fonction communication a évolué dans l’entreprise car le monde extérieur a évolué. Le citoyen est devenu créateur de contenu. Chacun peut mener son travail d’investigation. Un instagramer peut parfois cumuler une audience bien supérieure aux médias traditionnels et les marques sont interpelées en temps réel par tout le monde. Je trouve cette évolution très intéressante. En particulier quand la communication est reliée aux affaires publiques, car cela la rend très proche de l’activité économique et essentielle au développement de l’entreprise. C’est aussi passionnant de jouer avec les nouveaux canaux d’influence offerts par le digital.

La contrepartie est d’adapter son fonctionnement qui n’est plus centralisé mais transversal. Il s’agit de former les ambassadeurs de l’entreprise, de promouvoir l’initiative intrapreneuriale et intégrer le sujet communication à la genèse des projets  (lancement produit, marque, programme RSE…) sans chercher à centraliser. Bien sûr, certains sujets restent le domaine d’experts : la stratégie générale, la relation avec les médias et grands influenceurs, la gestion de crise et même la culture digitale ! Celle-ci doit être pratiquée par tous si possible mais son pilotage global requiert une connaissance spécifique et très évolutive. Prenons l’exemple de l’équipe digitale chez Coca-Cola (le consumer interaction center). C’est un pôle rattaché à la fonction communication mais composé d’experts salariés d’une entreprise partenaire en collaboration quotidienne avec nos équipes. Ils sont ultra-connectés, au fait des attentes de nos consommateurs et capables de produire un plan d’influence digitale de manière instantanée ou presque.  J’adore les écouter ! Chaque fois je découvre un nouvel outil, de nouvelles idées…

Cette évolution n’est pas terminée. Je pense que notre fonction se dirige plus encore vers la transversalité et la coordination des talents au service de l’image, l’influence et la réputation. Plusieurs associations se penchent actuellement sur cette question de l’avenir de la communication. Ce sera intéressant de découvrir le résultat de ces travaux.

A un étudiant qui se prépare à entrer dans le monde de la communication (et qui lui connaît nettement bien les autres facettes de la communication comme l’événementiel, les relations presse, le print, etc) ou à une personne qui s’y reconvertirait, quels conseils indispensables leur partageriez-vous pour qu’ils soient des stratèges de la communication et pas seulement des éditeurs d’outils ou pire des porte-voix sans grande latitude ? 

Laurent Turpault : Je lui dirais qu’il a bien raison car la communication est une fonction passionnante et très diversifiée. Votre question est néanmoins difficile. Je n’aime pas trop donner des conseils génériques. Je préfère échanger avec la personne concernée pour voir avec elle comment utiliser sa personnalité ou son expérience au service de son projet. J’essaie de le faire quand je suis sollicité. Mais s’il fallait partager un conseil plus large, je dirais l’écoute ! L’écoute de tout : la cible, les tendances, le bruit digital, l’interne et… le compte de résultat !

Je ris un peu à propos de ce dernier point mais reconnaissons que c’est souvent un point faible chez certains d’entre nous. Comprendre l’activité est indispensable pour la valoriser mais écouter est l’autre facette indispensable pour faire pleinement jouer son rôle à la communication.Tout cela permet de réussir sur une fonction comportementale associant des ressources humaines et techniques. L’expertise métier est essentielle mais elle s’acquiert en permanence et doit surtout être évolutive. Rappelons-nous que 85% des emplois de 2030 n’existent pas encore selon le rapport Dell/Institut pour le Futur publié mars 2018 ! Le métier de communicant est concerné.