Rapport Deloitte : 300 patrons citent la réputation comme risque n°1 pour l’entreprise
Le cabinet Deloitte vient de publier un rapport particulièrement instructif sur la perception des risques business qu’ont 300 dirigeants d’entreprises du monde entier. Dans l’édition 2013, la réputation est désormais citée comme la zone de risque la plus sensible pouvant affecter la performance et la stratégie d’une société. Une prise de conscience accélérée par l’irruption disruptive des nouvelles technologies et en particulier par la pression exercée par les médias sociaux. Points clés à retenir.
Réalisée au printemps 2013 en partenariat avec Forbes Insight, l’étude a interrogé 300 patrons et managers répartis pour un tiers chacun dans la zone Amériques, la zone Europe/Moyen-Orient/Afrique et la zone Asie/Pacifique. Les entreprises ciblées proviennent essentiellement des secteurs de la grande consommation, la santé, les technologies et les médias, l’énergie et la finance avec des chiffres d’affaires s’élevant à plus de 1 milliard de dollars US par an. L’enquête a été en outre complétée par une série d’entretiens individuels avec des hauts dirigeants en charge de la problématique des risques business au sein de leurs organisations respectives.
La réputation au cœur des défis de l’entreprise
La gestion des risques n’est pas en soi une discipline nouvelle au sein des grandes corporations internationales. Depuis longtemps, celles-ci s’efforcent d’identifier les retournements, les évolutions et les ruptures qui bousculent ou vont bousculer les modèles de business jusqu’alors établis. En revanche, il y a encore quelque années, la réputation peinait à émerger comme un axe prioritaire à intégrer dans les matrices du management des risques.
En 2010, la précédente édition du rapport Deloitte avait toutefois mis en évidence une prise de conscience accrue de la donne réputationnelle au sein des instances dirigeantes des grandes groupes, tout particulièrement dans le secteur bancaire et financier secoué par une série de crises et de scandales qui ont largement affecté leur image, leur acceptabilité sociale et parfois leur performance économique. 26% des répondants jugeaient ainsi que la réputation constituait une zone de risque majeure à intégrer dans la stratégie de l’entreprise.
A la lumière du rapport 2013, la réputation s’impose désormais comme le risque n°1 pour 40% des dirigeants interviewés par Forbes Insight et Deloitte. Le rapport précise notamment que cette évolution des esprits est particulièrement patente dans le secteur énergétique qui a subi et subit encore de virulentes campagnes contre les gaz de schistes, les forages miniers, les pollutions pétrolières et autres dégradations environnementales. Le secteur de la santé est également devenu nettement plus sensible aux enjeux réputationnels avec les polémiques récurrentes sur le coût de l’accès aux soins médicamenteux et les crises sanitaires liées à certains traitements.
Les nouvelles technologies enfoncent le coin
Aux yeux des dirigeants inclus dans le panel d’étude, cette sensibilité accrue à la problématique de la réputation est intrinsèquement liée à l’avènement aujourd’hui incontournable des médias sociaux. La connectivité quasi planétaire et l’instantanéité de ces réseaux où chacun est libre de s’exprimer, a considérablement complexifié la donne en matière de conduite stratégique de l’entreprise, de protection de l’image et de perception au sein des publics cibles.
Les dirigeants cités dans le rapport semblent avoir compris que le traditionnel schéma relationnel où les médias classiques étaient les principaux interlocuteurs, a volé en éclats. Aujourd’hui, l’entreprise évolue dans un univers où l’expression et l’information sont multidimensionnelles. D’où une difficulté exacerbée à évaluer les tendances et les sentiments de la société dans cet enchevêtrement de prises de parole très diverses mais potentiellement très impactantes pour la réputation de l’entreprise.
Si les médias sociaux sont désignés à 47% comme étant le canal n°1 de ce chamboulement considérable dans le domaine de la réputation (surtout dans les zones Asie/Pacifique et Europe/Moyen-Orient/Afrique), d’autres facteurs sont également mis en avant par les dirigeants. En particulier, la collecte et l’analyse des données numériques (le fameux concept de « Big Data ») dont la masse incroyablement exponentielle rend la tâche prédictive plus malaisée aux yeux de 44% des dirigeants. Autres sources de préoccupations pouvant brouiller la réputation : les applications mobiles toujours plus nombreuses (40% des interviewés), l’informatique en nuage (38%) et les cyber-attaques (36%).
Et maintenant ?
Si le « wake-up call » autour de la réputation semble maintenant être acquis pour une large majorité des dirigeants, il reste maintenant à passer à l’action. Le rapport Deloitte cite notamment la vision développée par Georg Klein, directeur du Risque et du Contrôle interne au sein de la direction financière et contrôle de gestion du groupe Siemens : « Le mobile, le social et le big data sont définitivement des sujets sensibles qui ont un impact mais ils sont analysés comme une part de nos process stratégiques. Cela dépend vraiment de la maturité de votre stratégie. Si votre stratégie s’appuie sur une série d’hypothèses statistiques, alors lorsque se produisent des changements disruptifs, par exemple dans une technologie information ou des paramètres de marché, ces changements vont impacter négativement votre business model. Mais si vous êtes dynamique face à ce changement disruptif, alors vous n’aurez juste besoin que de modifier votre approche pas à pas ».
Faut-il voir dans cette déclaration au langage subtilement ampoulé, une façon de dire que les entreprises doivent être dans une écoute active permanente, voire une conversation vraiment concrète, pour être capable d’ajuster en temps quasi réel leurs activités et nourrir leur réputation en fonction des attentes et des commentaires exprimés et identifiés sur les médias sociaux ? Si c’est le cas, cela constitue une évolution tangible des mentalités au sein des grandes entreprises encore trop souvent rivées sur des plans stratégiques plutôt allergiques aux imprévus et aux impondérables. Il est encore sûrement trop tôt pour dire si les états d’esprits sont réellement engagés dans cette nouvelle voie ou demeurent toujours réticents à modifier les recettes managériales de ces dernières années.
Beaucoup semblent voir dans la collecte de la « data », la martingale qui prédira à coup sûr les ruptures et les signaux faibles pour protéger la réputation. Ce serait à mon sens une grave erreur que de se réfugier uniquement dans cette vision mathématique de la donne réputationnelle. La compréhension des contextes culturels, des croyances, des émotions est également un levier à intégrer d’urgence dans la conduite d’une stratégie de réputation. Les relations entre acteurs de la société n’obéissent pas à de simples algorithmes si puissants soient-ils !
Pour en savoir plus
– Pour lire l’intégralité du rapport « Exploring Strategic Risk » du cabinet Deloitte, cliquer sur ce lien pour télécharger le document PDF
– Pour visualiser les infographies du rapport, cliquer sur ce lien
– Pour mesurer la maturité de votre organisation face au risque, cliquer sur ce lien pour faire le quiz
2 commentaires sur “Rapport Deloitte : 300 patrons citent la réputation comme risque n°1 pour l’entreprise”-
Christophe Ginisty -
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Olivier Cimelière -
Une problématique au coeur de la prochaine édition de la conférence ReputationWar 😉
Sans nul doute le coeur du sujet pour RepWar 2 !