2 ou 3 choses que les communicants doivent absolument retenir de l’affaire Baupin
Gravement mis en cause par huit jeunes femmes pour des faits de harcèlement sexuel via les révélations de Mediapart et France Inter, l’ex-vice-président de l’Assemblée nationale, Denis Baupin a vu sa réputation pulvérisée en l’espace de 24 heures. L’heure du double jeu communicant est dorénavant révolue. Tout acte ou prise de position publique implique un minimum de cohérence par rapport à la réalité quotidienne du terrain. Pour avoir bravé ce paradigme que le Web social impose à tout acteur public (qu’il soit individu ou organisation), l’image de cet historique dirigeant écologiste est actuellement largement détruite. En 2016 et au-delà, il n’est plus possible de professer d’un côté et d’agir inversement de l’autre. Enseignements pour une nouvelle communication à l’aune d’exigences sociétales qui s’expriment plus ouvertement que jamais.
Bien que les faits d’agressions sexuelles répétées à l’encontre de plusieurs élues écolos fussent déjà préalablement connues d’un certain nombre d’initiés et de proches du parti Europe-Ecologie-Les Verts et de fait susceptibles d’être révélés un jour ou l’autre, Denis Baupin a pourtant continué de communiquer officiellement et à grand renfort médiatique son engagement politique contre les violences faites aux femmes dont il a fait sien depuis plusieurs années. C’est ainsi qu’il s’était spontanément associé en mars 2016 à l’opération « Mettez du rouge » lors de la journée internationale des Droits de la Femme. Pour mieux affirmer ses convictions, il avait alors accepté de poser en photo avec plusieurs élus de tous bords maquillés avec du rouge à lèvre. Un bénéfice réputationnel non négligeable pour ce militant vert dans un milieu politique français masculin malheureusement encore trop connu pour son machisme et sa goujaterie récurrents.
Le grand écart réputationnel ne fonctionne plus
Conscient des retombées image que son action pouvait récolter, Denis Baupin n’a d’ailleurs pas hésité le 8 mars à poster sur son compte Twitter plusieurs photos où on le voit arborer le lipstick symbolique avec d’autres figures politiques de droite et de gauche. Même si les tweets de l’ancien adjoint au maire de Paris ne déclenchent pas une viralité foudroyante, il n’en demeure pas moins que la médiatisation de l’opération ne passe pas inaperçue et que les modèles d’un jour vaquent de plateau TV en plateau TV pour évoquer les atteintes physiques, morales et sexuelles dont sont encore victimes de trop nombreuses femmes en France.
Or, c’est justement cette photo qui va constituer l’élément déclencheur de la crise. Pour celles qui déclarent en effet avoir été abusées et/ou harcelées par Denis Baupin, c’est la goutte d’eau de trop comme le raconte l’adjointe au maire du Mans et secrétaire régionale EELV Elen Debost (1) : « Quand je l’ai découverte, cela a provoqué chez moi une vraie nausée ». Les concernées se confient alors aux journalistes du site d’investigation Mediapart et de France Inter pour conter par le menu les agressions graveleuses dont se serait rendu coupable Denis Baupin. Deux mois plus tard, les témoignages sont publiés. La dissonance procède alors exactement du même registre que celui de l’ex-ministre du Budget, Jérôme Cahuzac accusé de fraude fiscale fin 2012 au moment même où celui-ci annonçait son plan de lutte contre … la fraude fiscale.
Cette incontournable empreinte numérique
Certes, l’incohérence humaine et le côté « faites ce que je dis mais pas ce que je fais » ont existé de tout temps. A la différence qu’aujourd’hui, le corps sociétal n’admet plus ces grands écarts communicants trop gros pour être tolérables. Sitôt la nouvelle connue, les réactions ont aussitôt fusé : démission de l’impétrant de sa vice-présidence de l’Assemblée nationale, déferlement de messages indignés (et aussi de réactions très débiles) sur les réseaux sociaux, mobilisation forcenée des collectifs féministes, publication d’une tribune signée de 500 militants de tous horizons politiques et ouverture d’une enquête judiciaire. Si auparavant, quelques coups de fils savamment distillés ou quelques yeux opportunément détournés parvenaient tant bien que mal à protéger des réputations bancales, il est désormais utopique et risqué de cultiver une image publique qui soit à rebours complet de la réalité brute.
Pour une bonne et simple raison : tout est désormais scruté à la loupe et « fact-checké » dans les entrailles mémorielles du Web. Et le cas Baupin n’y a pas échappé. Dans la foulée des révélations médiatiques, certains ont alors exhumé des tweets et autres messages où déjà Denis Baupin s’érigeait fièrement en chantre de l’anti-harcèlement sexuel des femmes alors même que dans les coulisses de son propre parti d’alors, il cultivait une toute autre attitude selon les huit plaignantes ayant répondu aux questions de Mediapart et France Inter.
Sans cohérence, plus d’esquive possible
En guise de réponse, Denis Baupin s’est contenté de porter plainte contre les deux médias à l’origine des révélations et de publier à la fois sur son compte Twitter et son site Web personnel, le communiqué de presse de l’avocat en charge de sa défense. La tonalité et la phraséologie de ce texte ne sont d’ailleurs pas sans rappeler étrangement le registre sémantique qu’avait utilisé en son temps Jérôme Cahuzac, lequel menaçait de poursuivre en justice quiconque relayant les accusations de fraude fiscale mises à jour par Mediapart. Chacun connaît la suite.
Dans l’attente des conclusions de l’enquête préliminaire et au-delà du préoccupant sujet du harcèlement sexuel, il convient en tout cas de retenir que c’est dorénavant la cohérence qui doit articuler une stratégie de communication et une posture publique. Celles et ceux qui s’absoudront de cette règle, verront inexorablement leur grand écart communicant projeté sous la lumière crue de l’opinion publique et des médias, avec à la clé toutes les traces digitales attestant de leur double discours.
Sources
– (1) – L .C. « Harcèlement sexuel: Une photo de Denis Baupin a incité les victimes présumées à parler » – 20minutes.fr – 9 mai 2016
A lire en complément
– Marie-Violette Bernard – « Khmer vert », bosseur acharné et père du Vélib’ : qui est Denis Baupin, l’élu écologiste accusé d’agression sexuelle ? » – FranceTVinfo.fr – 11 mai 2015